S’envoler…

S’envoler ! s’immiscer dans le ventre rond d’un A 380, le temps d’un vol de nuit Paris/Singapour, s’installer dans un fauteuil et contempler passagers et membres d’équipage, les observer, les entendre, les deviner… Dans ce huis clos insolite et pesant, on côtoie Talitha, ancienne hôtesse de l’air, qui désormais écrit mais a besoin pour libérer ses mots d’entendre les battements de cœur de l’avion. Près d’elle, côté hublot, Leïla quinze ans – U M, Unaccompanied Minor –  « Très belle, métisse au teint mat, aux cheveux noirs et bouclés, elle a un regard intense ». Différente, atteinte d’un autisme Asperger, elle rêve de visiter le cockpit. En face, a pris place Marie Ange, cheveux roux, qui étudie ses voisines avec beaucoup d’attention. Le copilote, Saul, dépressif, vient juste de rentrer d’un congé maladie. « Il reste là, comme un fou volant intermittent, un somnambule naviguant au gré des vents dominants, à attendre que le monde décide pour lui. » Et Anil, « l’homme sans âge, semble perdu dans un songe. »  Il souffre d’une maladie incurable et se trouve visiblement confronté à son tout dernier voyage.

L’écriture est belle, délicate…

J’ai particulièrement aimé la belle écriture délicate, l’étude fine et bourrée d’empathie, le regard bienveillant que l’auteure pose sur chacun de ses personnages, tous attachants par leurs faiblesses. J’ai aimé le portrait fouillé qu’elle en dresse, l’analyse minutieuse qu’elle fait de leurs douleurs, leurs souvenirs, leurs doutes. J’ai aimé ses questions sur le rapport de chacun à son enfance, à ses parents. J’ai tout autant apprécié les retours en arrière, les rebondissements, le rythme du récit qui petit à petit monte en puissance et m’a tenue en haleine jusqu’à être « tombée du ciel. » Derrière sa couverture discrète, blanche déchirée de bleu, le roman décrit en profondeur la vie qui, tel un voyage entre ciel et terre, déroule temps calme et turbulences.  Théâtre, chant choral, il orchestre les solos jusqu’à l’apothéose.

Sans doute « Tomber du ciel » ne m’a-t-il pas guérie de ma phobie de l’avion, mais il m’a procuré bien plus : le plaisir d’une lecture touchante, captivante, d’une indulgente étude des âmes torturées.

Editeur : Les Presses de la Cité
Date de Parution : 17 Septembre 2020
Nombre de pages : 192