Avis : ★★★★

Lorsque je rédige la chronique d’un livre que je viens de terminer, j’emploie souvent les termes « J’aime » ou « Je n’aime pas ». Un roman, on l’aime pour certaines raisons, ou pas pour d’autres et même quelquefois les mêmes. Mais pour ce qui concerne « Tête de tambour » le premier de Sol Elias, je ne pourrai vraiment pas les utiliser.

Comment dire que j’ai aimé un ouvrage qui véhicule tant de souffrance, mais comment dire aussi que je ne l’ai pas aimé alors qu’il décrit avec une telle empathie, une telle force, une telle intelligence, une telle véracité les troubles d’un homme atteint de schizophrénie.

Alors ? Sol Elias fait, à mes yeux, preuve d’un talent fou. Elle réussit avec brio à pénétrer la tête, la vie, le cœur d’une personne atteinte de cette pathologie mentale, pour le moins destructrice. La construction du roman elle-même en est teintée, plutôt brouillonne, mal définie, à l’image de la pensée de Manuel. Loin d’être un défaut, elle se révèle habile. Cet homme jeune est en effet le « héros » d’une histoire bouleversante. Nous traversons sa vie mais aussi celle des siens, ses proches qui, naturellement, en sont les victimes collatérales. Victimes ou responsables ? Là est la question dont Manuel donne une réponse, sa réponse, assez cinglante : « Je leur faisais payer (il parle de ses parents) le prix pour m’avoir impunément mis au monde. Je serais la croix à porter sur leurs épaules d’hommes pour toute une vie d’homme. Ils ne m’avaient pas tué quand ils avaient vu mon visage cyanosé de bébé tenu pour mort à la sortie du ventre de la mère… »

La vie de Manuel est ainsi le prétexte à toute une réflexion, particulièrement fine, de la schizophrénie, par le prisme du malade qui un beau jour en prend son parti « A force de devoir l’accepter, puisque l’on m’avait collé quand même le « schizo » comme une étiquette sur un emballage de saucisses sans date de péremption, j’avais fini par lui trouver quelques charmes (pervers) », de ses proches, du rôle de l’hérédité, mais aussi du milieu médical. Il y a là, quelque part une critique du monde de la psychiatrie et des traitements qui anéantissent. Le roman est dur, intime, revisite les liens familiaux,  et m’a personnellement serré la gorge et fait trembler le corps. Mais l’auteur rend à Manuel, et de ce fait à tous ses semblables, une certaine noblesse en le considérant non comme un schizophrène mais comme un homme atteint de schizophrénie. Et ce détail fait toute la différence.

« Tête de tambour » est un premier roman d’une grande force. Il m’a particulièrement émue.

Editeur : Rivages
Date de Parution : 2 Janvier 2019
Nombre de pages : 208

Ce livre a été lu dans le cadre de l’association « Les 68 Premières Fois »