Tout commence, ou presque, par la découverte d’un cadavre, celui de Vincent Alignac, tué à son domicile d’un coup d’arme blanche, un sabre sans doute. Vincent Alignac était écrivain fantôme, un re-writer si vous préférez, celui notamment de David Morlans, romancier lausannois bien connu. Oui, l’histoire se déroule à Lausanne où L’Inspectrice en chef Antigona Krestaj, chargée de l’enquête, s’entoure rapidement d’une bonne équipe dont son adjoint Eusebio. Vous en dire plus sur le déroulé de l’affaire serait vous priver, croyez-moi, du plaisir de la découverte des faits et des personnages. L’intrigue est parfaitement menée, dévoilée, pas à pas,  à coups de cliffhangers, de retours en arrière, de dénonciations hasardeuses, d’effets de manche.

Le roman se lit ainsi d’une traite, le suspens maintenu jusqu’à la fin.

Les personnages sont tous attachants, forts ou fragiles selon les circonstances mais toujours  riches de leur diversité. L’Inspectrice, elle-même, est arrivée en Suisse avec son père en provenance du Kosovo après le décès de sa mère. Eusebio, lui, est d’origine portugaise.

Mais « La Surnommeuse » – vous apprendrez très vite la raison de ce titre – est bien davantage.

Si on ne peut nier la qualité de l’enquête policière et son intérêt, il ne faut pas oublier la belle histoire d’amour qui se révèle sous nos yeux, et qui, loin de minimiser le côté noir de l’ouvrage, le renforce. Et surtout, surtout, la magnifique écriture de l’auteur sublime le roman. Pascal Houmard s’amuse visiblement des mots, des sons. Il nous régale de ses références littéraires et tout particulièrement réussit à nous communiquer son amour de l’antiquité. Il est capable de se jouer d’un mot et de ses différents sens l’espace d’un paragraphe, de mélanger les expressions avec drôlerie : « il avait rendu son dernier sourire », « ce cadavre m’a tout l’air exquis » ou encore « un écrivain écrivait en vain », de manier l’humour avec dextérité. Et je ne parle pas des expressions locales qu’il utilise sans parcimonie pour agrémenter son récit.

D’ailleurs, lorsqu’il est question de l’Inspectrice en chef, « Antigona passait si facilement dans l’univers des sons, des mots et de leurs jeux qu’elle perdait souvent pied avec le moment présent. N’aient été son métier et la situation actuelle, elle s’y serait livrée plus souvent, plus profondément, serait peut-être devenue poétesse… Elle avait toujours aimé se perdre dans les flots du vocabulaire : avant son odyssée vers l’Ouest, elle naviguait déjà de terme en terme, de mot serbe en vocable bulgare ; sans vraiment comprendre ni l’un ni l’autre, elle s’attachait aux sonorités, comme un marin aux étoiles, et les comparait aux résonances albanaises, faisant dans l’approximatif ; de là devait venir sa manie de créer des surnoms… », j’ai l’impression que l’auteur parle de lui. D’ailleurs, j’ose dire que Pascal Houmard est un poète.

Vous l’aurez compris,  la lecture de ce roman aux multiples facettes m’a totalement captivée.

C’est une très belle réussite.

 

Editeur : Mon village
Date de Parution : 7 Octobre 2017
Nombre de pages : 384