C’est à peu près le seul mot qui m’est venu à l’esprit à la fin de la page 248, autrement dit la dernière, du troisième roman de Loulou Robert, « Sujet inconnu ». C’est un peut court, Madame, aurait clamé Cyrano. Oui, je sais, on pourrait dire, Oh ! Dieu ! bien des choses en somme…
Loulou, je l’ai connue à la sortie de son premier roman « Bianca ». Pour des raisons personnelles, sa lecture m’avait été difficile, pesante, douloureuse. Le suivant, « Hope », commencé dans la librairie, poursuivi sur les escalators du centre commercial, puis dans le tram et terminé à la maison, m’avait en revanche complètement séduite par son écriture intense, vive, pertinente. Cette fois, c’est encore plus fort, plus mordant, plus claquant.
L’auteure nous raconte, à la première personne, une histoire d’amour folle, passionnée mais aussi – surtout ? – douloureuse, nocive, toxique. Je n’ai pas eu à subir ce genre de situation mais à la connaître par amie interposée. Et les mots choisis, répétés, empilés, le rythme toujours plus rapide, traduisent parfaitement le désir, la peur, l’amour, rester, partir, vivre, survivre et surtout ne pas mourir. Et pourtant la mort rôde autour de cette jeune fille sans nom, celle de sa mère, dite avec désespoir et pudeur. Loulou Robert exprime à merveille tous ces sentiments qui se chevauchent, se tressent, s’emmêlent : rester enfant, devenir adulte, obéir, vivre sa vie, changer de route, aimer.
Puis la narratrice va écrire, écrire, écrire. Et « … la passion prend une autre forme. Elle n’a pas ton visage. » Ecrire va lui permettre de continuer, d’avancer. La romancière est prise dans l’engrenage de ses propos. Je l’imagine, les doigts courant sur les touches au rythme des pulsions de son cœur, bondissant, sautant. Au passage elle m’a happée, m’entraînant dans son sillage, me laissant à bout de souffle. Elle m’a emportée au fil de ses espoirs, ses craintes, ses renoncements, ses décisions sans que je sache trop s’il s’agissait de l’auteur ou de son personnage.
Alors, oui, on pourrait qualifier le propos de violent, gênant, je l’ai personnellement trouvé très fort. J’ai admiré le talent de l’auteure, capable de me tenir en haleine du début à la fin, à coup d’onomatopées, de termes juxtaposés, de phrases sèches, courtes, de bruits de combat, celui de la vie. J’ai aimé cette écriture hachée, loin des normes académiques, que pourtant j’affectionne, mais tellement appropriée au sujet traité, fût-il inconnu. De la première à la dernière page, non seulement la cadence est soutenue, mais elle monte en puissance jusqu’à la chute, celle du livre.
Comment dire ?
Editeur : Julliard
Date de Parution : 16 Août 2018
Nombre de pages : 252
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