Une histoire hantée par le deuil…

C’est, en effet, dans le cadre des Explorateurs de la rentrée littéraire 2020 et sa suite, « les livres voyageurs », que j’ai pu lire cet ouvrage prêté par un ami lecteur. Certes l’histoire m’a touchée : l’histoire d’un deuil enfantin. Une petite fille de quinze mois perd son père encore jeune… elle ne s’en remettra pas ou plutôt, il lui faudra des années… Adulte, elle raconte – c’est la narratrice – l’histoire de sa famille paternelle, l’Algérie, la fortune perdue, reconstruite en France, son père, qui ne suit pas le chemin pourtant tracé, sa rencontre avec sa mère, beauté incendiaire mais totalement différente… La construction est intéressante qui use de retours en arrière fréquents, passe des uns aux autres sans chronologie particulière, donne des détails sur la vie, les us et coutumes. Elle narre avec précision les séquelles sur l’existence de chacun des histoires de famille, des non-dits, des rivalités.

Une écriture flamboyante…

Mais, si, comme je l’ai dit plus haut, ce récit m’a touchée, je l’ai été plus encore par l’écriture. Elle est flamboyante, lumineuse, profonde, d’une grande maîtrise et m’a complètement envahie. Sarah Chiche a ce talent – sans doute aussi de par ses compétences de psychologue clinicienne – de nous parler de la pathologie mentale, de la décrire dans ses moindres détails, avec tant d’émotion. Je ne lisais pas, je ressentais au fond de moi la détresse de cette jeune femme, malade de ne pas savoir qu’elle avait aimé son père, qu’elle en avait été aimée. Car en plus de tout le reste, ce livre est un cri d’amour d’une petite fille à ce père qu’elle n’a pas connu et qu’elle rencontrera à travers des petits films super huit, une re-naissance en somme.

Tomber amoureuse d’une écriture, ce n’est sans doute pas banal. Quand l’auteure parle de deuil, ça l’est sans doute encore moins et pourtant

« Un deuil reste un deuil. Un cadavre, un cadavre, une tombe, une tombe. Mais si certaines personnes apprennent à vivre douloureusement avec la perte, d’autres se laissent mourir avec leurs morts. »

c’est bien pour de telles phrases que je l’ai tant aimé… et pour le reste aussi :

« J’entre dans l’automne de Saturne. Et sur la route où je pars seule, mais avec mon père…tout est perdu, tout va survivre, tout est perdu, tout est sauvé. Tout est perdu, tout est splendide. »

« Saturne », un roman que je garderai longtemps au plus profond. Beaucoup plus qu’un simple coup de foudre.

Editeur : Seuil
Date de Parution : 20 Août 2020
Nombre de pages : 208

Ce roman a été lu dans le cadre des « Explorateurs de la rentrée 2020 ». A cet effet, je remercie chaleureusement le site Lecteurs.com à l’origine de cette manifestation littéraire ainsi que les Editions et Michel Carlier, co-Explo 2020, pour le prêt.