Bien avant d’avoir lu « Ma Reine », le premier roman de Jean-Baptiste Andréa, bien avant qu’il ne soit sorti, même, nombre d’éloges m’étaient parvenues à l’oreille. Maintenant que je viens de tourner la dernière page, j’en comprends les raisons.

L’ouvrage raconte la vie d’un enfant de douze ans, différent, grand dans son corps certes, mais encore petit dans sa tête. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il a dû quitter l’école et travailler avec ses parents, vieux, qui tiennent une station-service, vieille, dans un coin reculé de Provence. Il sert l’essence aux quelques rares clients, vêtu d’un blouson rouge et jaune « Shell », qui lui vaut son surnom. Un jour, pour éviter le placement loin de chez lui, il décide de partir « faire la guerre » ce qui lui permettra de devenir un homme. Mais derrière les collines, bien évidemment, la guerre n’existe pas. Il va en revanche rencontrer une petite fille, Viviane, qui va devenir « sa » reine.

Qualifier ce récit de bijou ne me semble pas superfétatoire.

Nous sommes là aux confins du conte initiatique et de la fable  mais sans mièvrerie aucune. Shell pourrait être le Petit Poucet, Viviane son amie une jolie fée et Matti, le berger qui le recueille au départ de Viviane, un ogre, mais un ogre gentil. L’écriture toute en simplicité et en finesse fait la part belle aux phrases courtes, percutantes. J’en ai beaucoup aimé la maîtrise et la capacité à traduire au plus juste les réflexions du jeune Shell, son esprit quelque peu décalé :

« Parmi les missions qui m’étaient confiées, je devais remettre du papier toilette dans le réduit marqué C – le W était tombé et on ne l’avait jamais remis quand on avait constaté qu’il faisait un excellent dessous-de-plat. »

La poésie est partout présente qui décrit à merveille les paysages de collines, le ciel et les étoiles et même l’alcool :

« Son eau-de-vie sentait les prés après la pluie, les fleurs mouillées, mais avec une amertume derrière qui disait que l’orage n’était pas complètement passé. »

Et, si la frontière entre le rêve et la réalité est plus difficile à décrypter, peu importe. Il suffit de se laisser bercer par le rythme des mots, de laisser venir à soi les images et les sons qu’ils convoquent, et de retrouver son âme d’enfant empreinte de naïveté.

La lecture de ce roman fut pour moi un enchantement, une parenthèse de douceur dans un monde hostile.