Le roman débute dans une chambre d’hôpital. Thomas, une quarantaine d’années, y a été admis dans le service de réanimation, victime d’un coma lié à une crise d’asthme. Il est patron d’une PME de trente-sept ouvriers, « Packinter », spécialisée dans la fabrication d’embouts en plastique pour inhalateur, un comble. Il a pour seul client HFL, un laboratoire voisin. Thomas a une femme, Olivia, artiste peintre, et deux fils.
A titre original, roman original. Par petits chapitres tous précédés d’une définition des mots « Principe » ou « Suspension », l’auteur alterne entre présent, la chambre d’hôpital, et passé, les événements qui y ont amené le personnage principal. Elle nous raconte l’histoire oscillant entre le personnel et le professionnel. Tout semble suspendu… déjà avant…
« Thomas comparait le psychisme humain à une suspension médicamenteuse, comme celles qui remplissaient les flacons fabriqués par Packinter« .
Olivia est suspendue au souffle de son mari, et lui à celui des machines qui lui permettent de vivre. Les ouvriers sont suspendus au carnet de commande qui maintiendra leur travail, et leurs acheteurs au coût de la main d’œuvre. Tout est duel aussi dans cette région de l’ouest où se côtoient la tristesse des usines désaffectées pour un grand nombre et la beauté de la côte, de la mer et des plages sans fin. Et tous souffrent d’un manque de reconnaissance : le patron de la part de ses ouvriers, mais les ouvriers aussi de la part de leur hiérarchie…
« Ce qui leur manquait, à tous ici, quels que soient leur place et leur salaire : la reconnaissance. Il n’y avait plus la moindre fierté à travailler dans l’industrie en France, patron ou pas.«
Sans compter Olivia qui ne se sent en rien reconnue par son mari.
J’ai beaucoup aimé l’écriture limpide, fluide et mesurée de Vanessa Bamberger. Elle illumine le portrait juste et touchant d’un « petit patron » qui n’a pour seul objectif que de rendre ses ouvriers heureux, mais qui se trouve lentement englouti par la désindustrialisation de sa région, la mondialisation, l’appât du gain qui pousse à délocaliser. Elle éclaire aussi celui d’un homme confronté aux difficultés de la vie de couple. L’auteur, avec finesse, nous explique que tout, finalement, n’est qu’une question d’alchimie.
Véritable plongée dans la vie d’un couple et de ses angoisses, bel hommage aux patrons de PME, étude captivante de la loi des marchés, de la désertification de certaines zones industrielles et de la vie stressante des ouvriers d’usine, la lecture de ce « Principe de Suspension » fut pour moi un réel moment de plaisir. Et si la fin démontre à quel point il faut agiter une suspension pour en garantir la stabilité, on comprend aussi que la vie suit souvent le principe des vases communicants.
Editeur : Liana Levi
Date de parution : 3 Janvier 2017
Nombre de pages : 208
J’ai aussi beaucoup aimé cette lecture
Oui, j’ai trouvé qu’il était intéressant, ce n’est pas si courant, de s’intéresser aux petits patrons.