Force est de constater que cet ouvrage, plutôt court par rapport à nombre de ses autres est totalement différent. Différent par le fond surtout, car la plume reste aussi belle, visuelle, précise :

« Il vivait dans une cahute d’indifférence qu’il transportait comme l’escargot sa coquille. Un escargot véloce qui s’en allait deux fois par jour en se pressant. Quand je l’apercevais dans la rue il me donnait l’impression d’être dans l’urgence absolue tant il gambadait. »

C’est l’histoire qui sort de son ordinaire. Parce qu’il a vu un documentaire sur la police de Vichy, parce qu’il y aperçoit son père sortant de leur immeuble les mains menottées entre deux gestapistes, les questions abondent. Forcément il ne peut se souvenir. Il va essayer de trouver les réponses. Son père était-il en réalité un homme bien ou une ordure ?

Tout au long de ma lecture, je me suis demandé ce qui était de l’ordre du réel ou de la fiction. J’ai vécu cet ouvrage comme une enquête – l’auteur interroge de potentiels témoins, sans grand résultat, me semble-t-il – et surtout comme une introspection. Il fouille en lui pour faire surgir des souvenirs :

« Un souvenir d’Alfred vient de m’apparaître. Il aurait pu s’en garder, rester dans son terrier. Il est là devant moi, je le déroule sur la table. »

Il recherche la figure d’un père dont il ne fut pas proche, honteux parfois de ses manques – Alfred était frappé de surdité et souffrait de bipolarité – essaie de recoller les morceaux d’un passé lointain et confus, pour pouvoir l’appeler Papa. Si quelque part il a interpellé la fille que je fus, que je suis, s’il m’a replongée moi aussi dans certains souvenirs paternels, je n’ai pas vraiment ressenti d’émotion. J’ai lu avec recul, sans jamais m’impliquer. J’ai eu l’impression que, plus que pour ses lecteurs, l’auteur écrivait pour lui.

 

Si Régis Jauffret reste l’écrivain que j’apprécie, ce dernier opus ne m’a pas totalement convaincue et je le regrette profondément.
 

Editeur : Seuil
Date de Parution : 2 Janvier 2020
Nombre de pages : 208