Cet album, je ne l’ai pas lu dans l’ordre…
Cet album, je ne l’ai pas lu dans l’ordre, je l’ai feuilleté et… premier arrêt…un visage sévère, des lunettes sur le nez, une Lavallière démodée,
« Perchée bibliothécaire…
D’un corps de métier brillant
Elle est l’exception fumiste
Mot qu’elle méconnaît pourtant
Ultracrépidarianiste »
Le texte chante à mes oreilles et je la vois, et je l’entends, celle qui dit tout de ce qu’elle ne connaît pas. Elle est une parmi les trente-deux femmes portraiturées par l’auteur. La première lue, ma préférée.
Véritable feu d’artifice…
Noires et blanches, blanches et noires, l’auteur nous convie à un feu d’artifice deux tons, magnifique hymne au féminin. Femmes heureuses ou pas, jeunes ou plus vieilles, belles ou quelconques, réelles, fictives, elles sont là sous nos yeux, croquées, caricaturées sans une once de ridicule. Variété d’origines, visages tristes, visages gais, un monde, des mondes. Les textes sont assortis qui m’ont fait rire ou bien pleurer. J’ai pleuré avec « La mère esseulée » ou encore « La dame à la lame » et ri aux éclats, installée à la caisse de « La jongleuse de supérette ». Toutes m’ont émue ou amusée, charmée…le trait est fort, juste, les regards accrocheurs, les attitudes minutieusement étudiées, les corps expressifs.
Et puis le verbe est puissant…
Et puis le verbe est puissant, parfois grinçant, parfois riant, les paroles – on dirait des chansons – résonnent longtemps comme une ritournelle. L’écriture est magique, humoristique, musicale. L’auteur se joue des mots, des sons :
« Des tours
Sa mémoire faillie lui joue
Contours
Des souvenirs flous… »
ou surfe tel un instagrammeur :
« Elle stalke, elle swipe, elle like, elle tague
Elle uploade des tonnes d’hyperlapses
Elle photoshope des seins airbag
Plus connectés que des synapses ».
Forcément…
« Elle se prend pour Kylie Jenner… »
Quant à moi plutôt que la mémé que je suis devenue, je voudrais être encore parmi
« Les filles aux cheveux courts
C’est pour elle que l’on court
Qu’on a la souffle court. »
Editeur : La Trace (collection Regard)
Date de Parution : 4 Novembre 2021
Nombre de pages : 80
Je remercie infiniment les Editions La trace pour cette merveilleuse lecture en avant-première.
Ouf, même si, plus que probablement, comme M. Jourdain, tout le monde est un peu ultracrépidarien, un peu de recherches m’ont aidé à comprendre que c’était surtout les mondes des scientifiques et des philosophes qui étaient visés par ce syndrome. Il n’empêche que ta critique de ce lire me parait plutôt un coup de coeur qu’un coup de cette maladie, assez répandue. Pour ceux qui ne connaissent pas ce mot, je renvoie à la définition de ce mot sur http://www.jepense.org/ultracrepidarianisme-definition-syndrome/ Je la trouve très jolie. Comme ta chronique qui donne envie d’aller rencontrer cette bibliothécaire et toutes les autres figures de ce monde des mondes. Bravo Geneviève!