Roman lu dans le cadre des « Explorateurs de la Rentrée littéraire 2018 » organisé par le site Lecteurs.com

De l’histoire, c’est encore l’auteure qui en parle le mieux « Tel était donc le véritable récit niché au cœur du premier livre que j’écrivis – une amitié déchirée un amour non réciproque. (Elle y parle de Dickens et Andersen). J’ai écrit ce livre en 1963 à Amsterdam, dans la maison où je vivais avec toi depuis sept ans, et où nous vivrions encore plus d’une décennie avant de nous séparer une première fois, nous retrouver, partir vivre dans une autre maison ensemble durant quatorze ans, et nous séparer violemment. Lorsque je suis sortie de chez moi tout à l’heure, j’ignorais que je te croiserais… » Voilà, une rencontre inattendue avec un amour d’autrefois et les vannes s’ouvrent. Helen décide de prendre la parole, de dérouler leur vie en un long monologue, d’en dire ses ressentis profonds, un long fleuve bouillonnant.

J’ai beaucoup aimé cette lecture d’une grande intensité.

Les nombreux chapitres, courts et enlevés confèrent un rythme effréné au roman dont les pages se tournent seules. Cela ne m’a pas empêchée de me régaler de la belle écriture de l’auteure à la fois élégante, fluide, subtile, précise et très imagée : « En voyant son visage, j’ai su que c’était déjà gagné. J’ai avancé mes billes une à une, mais je n’ai même pas eu besoin de vider mon sac. » Julia Kerninon nous dresse un portrait de femme absolument magnifique qui par amour – amitié ? – va aider son compagnon de vie à entrer dans la gloire, à devenir un peintre de grand talent reconnu internationalement, à engager une métamorphose complète « Au simple contact de la peinture, ta personnalité s’est épanouie de façon spectaculaire. J’ai vu le jeune garçon susceptible que j’avais connu devenir un homme au charisme ravageur, un orateur infatigable… »

Pourtant, je ne peux m’empêcher de penser que Franck, éternel égoïste, égocentrique même, ne méritait pas cette « dévotion ». Je n’ai rien trouvé dans les lignes de Julia Kerninon qui puisse l’expliquer et me suis demandée tout au long de l’ouvrage : « Mais qu’a-t-il fait pour elle ? » J’ai en revanche admiré l’abnégation de cette femme prête à accepter – sous son toit – les maîtresses fort nombreuses de celui qui, certes n’a jamais été son mari, mais avait du mal à se passer d’elle et qu’elle aimait par-dessus tout.

J’ai trouvé le roman parfaitement construit qui ne passe sous silence aucune partie de cette vie, qui la déploie, en raconte tous les détails sans jamais lasser, analyse finement les sentiments, les bonheurs et les moments difficiles.  Il raconte l’histoire d’une force, invisible, qui lie les deux personnages pour le meilleur et pour le pire et nous emporte vers une fin inéluctable. Un roman sublime.

A quand le regard de Franck ?

Editeur : Rouergue (La brune)
Date de Parution : 22 Août 2018
Nombre de pages : 304