De Frédérique Deghelt, j’avais notamment adoré « La grand-mère de Jade » tout en douceur et en tendresse. Cependant plus que le nom de l’auteur ou la couverture, pourtant magnifique comme toujours chez Actes Sud, cette fois, c’est le titre qui a accroché mon regard : « Libertango ». Après « La Reine du Tango » d’Akli Tadjer, je rêvais de me replonger dans cette musique enchanteresse.

Là, ce n’est pas d’une femme dont il s’agit, mais de Luis Nilta-Bergo, un jeune homme d’origine espagnole vivant avec ses parents à Paris.

Handicapé, il n’est guère choyé dans sa famille qui ne supporte pas cet enfant différent et infirme. Il vit alors l’oreille collée à son poste de radio, la musique pour havre de paix. Un jour, son existence est bouleversée par un air de bandonéon. Il rencontre, en effet, Astor Piazzolla, célèbre musicien argentin. Il quitte aussitôt sa famille. Il deviendra un célèbre chef d’orchestre.

Le livre débute lorsqu’une journaliste biographe, Léna Shlimberg, souhaite raconter sa vie. Après bien des hésitations, il accepte ce challenge que constitue une série d’interviews filmées. Jour après jour Luis va se souvenir et raconter.

Ce roman de Frédérique Deghelt est parfaitement abouti, émouvant, poignant, captivant.

L’écriture est magnifique, fouillée, musicale. Au fur et à mesure des pages, le chef d’orchestre se révèle à tel point qu’il est difficile de croire à un personnage fictif. Nous apprenons tout de lui, mais aussi de l’orchestre, de sa composition, des places attribuées aux musiciens, des morceaux joués. Nous sommes propulsés dans des lieux mythiques de concert, dans la vie du chef, ses amours, ses chagrins, ses douleurs.

J’ai aimé la sensibilité des propos, l’émotion qui flotte, la leçon de tolérance, les vibrations qui affleurent, la beauté des mots souvent source de trouble :

« Les sons suintent, les bois dégoulinent, les cuivres s’ébrouent, alors les cordes déploient leurs ailes à la surface de sa peau et les frissons s’enchaînent, soulevant un à un tous les pores ».

Oui, c’est bien ça, la « chair de poule », moi aussi je l’ai eue à la lecture de ces écrits si forts qu’ils vous transportent. Je garderai longtemps en moi ce roman que je ne manquerai pas de relire, sûre que je suis d’y éprouver encore et encore de nouvelles sensations. 

Editeur : Actes Sud
Date de Parution : Mai 2016
Nombre de pages : 320

 

 

Paru depuis (23 Août 2017) aux Editions J’ai lu (448p.)