Avis : ★★★★
Karine Reysset, sa voix et son sourire m’avait charmée. Ses propos tenus aux Escales de Binic lors de la table ronde au titre évocateur « Le poids du monde est amour », avaient fini de me convaincre de lire son dernier roman, « L’étincelle ». Une amie lectrice Vannetaise me l’a offert…
« Ma venue fut décidée à la dernière minute. La séparation de mes parents m’avait ébranlée. J’avais l’impression que le nouvel équilibre familial, fragile et précaire, reposait en grande partie sur mes épaules – ce qui me paraît rétrospectivement exagéré –, et l’invitation de Soline était tombée à pic. »
De cet été-là, en 1993, Coralie s’en souvient encore quelques vingt-cinq ans plus tard. Elle se revoit adolescente, à l’aube de sa majorité, elle revoit Soline, cette amie devenue indispensable, et Thomas, et les parents…
Ce moment, véritable pont entre l’adolescence et l’âge adulte, va lui permettre de traverser, d’aborder l’autre rive. Et, quand elle y repense, elle revit ces quatre semaines comme dans un rêve, toujours sur le qui-vive, toujours incertaine de ce qu’elle a perçu à cette époque.
L’écriture de l’auteure superbement travaillée, simple, fluide, gracieuse laisse s’exprimer tous les sentiments de cette jeune fille. Elle a quitté une maison modeste, une famille falote et découvre des personnages de haute lignée dans une demeure quasi seigneuriale avec piscine, rivière, jardins en terrasses et alcool à gogo. L’herbe est plus verte ailleurs… pense-t-on. C’est, en tous les cas, ce que ressent Coralie admirative des gens comme des lieux, jusqu’à ce qu’elle se rende compte qu’il s’agit peut-être d’un mirage. Karine Reysset a le talent de restituer admirablement les émotions de la jeune fille, de passer du rose de ses ébats au noir de la fin que l’on pressent douloureuse. Toute initiation comporte sa part d’ombre.
Car, roman d’initiation, il l’est assurément, qui raconte les découvertes de la vie, les mensonges des uns, les tromperies des autres. Mais, roman d’amour aussi ou de désir, qui nous fait vivre les premières fois de Coralie passant des bras de Soline à ceux de Thomas, et presque de Marco, le beau garçon du camping d’en face. Roman social encore qui évoque la différence de classe, les manières de vivre de la « haute société » si éloignée du milieu de la jeune fille. Difficile de ne pas envier les autres, de ne pas mépriser les siens.
« A côté d’eux – d’elles surtout – je me sentais godiche, grosse, mal fagotée. »
Quelque part, j’ai trouvé à ce récit une portée universelle. Quel enfant, quel adolescent n’a pas rêvé un jour de changer de famille, de troquer des parents jugés médiocres pour d’autres plus brillants, plus avenants, plus accueillants, plus beaux ? Sans doute est-ce pour cette raison qu’il m’a tant touchée.
« L’étincelle », un moment de lecture savoureux.
Editeur : Flammarion
Date de Parution : 9 Janvier 2019
Nombre de pages : 224