De Sophie LEMP, j’avais lu « Leur Séparation », puis plus tard « Le Fil », bien que paru avant. Je n’aime pas particulièrement réaliser les choses dans l’ordre.

Deux mots m’étaient restés de ces lectures : délicatesse et sensibilité. Aujourd’hui, en refermant « Les Miroirs de Suzanne », son nouveau roman, je pourrais utiliser les mêmes. Et je dirai sans ambages – non, il n’est pas là histoire de conditionnel –  qu’il s’agit d’un magnifique récit.

Après le cambriolage de la maison dans laquelle elle vit avec son mari Vincent et ses deux filles, Suzanne se rend vite compte du pire : son journal d’adolescente, tous les cahiers noircis de son écriture bien conservés dans un coffret ont disparu. Quelques jours plus tard, Martin, un jeune livreur à vélo, les trouve par hasard dans une poubelle…

Faisant fi des lois mathématiques, l’auteure réussit à organiser de belle manière une rencontre entre deux droites parallèles. Elle a choisi, en effet, de raconter l’histoire par chapitre alterné. C’est ainsi que nous passons allègrement de Suzanne à Martin, de Martin à Suzanne. Et l’écriture fluide, simple, douce, onctueuse sans jamais être sirupeuse, permet une lecture facile et agréable. J’ose même la qualifier de parfaite. Pas un mot de trop, ni de pas assez. Pas un obstacle susceptible d’en arrêter la course. Telle une onde claire, elle est limpide et je m’y suis baignée sans crainte de m’y noyer. Je me suis immiscée dans les souvenirs de Suzanne qui sait les convoquer avec grâce pour en tirer des histoires. Elle se souvient forcément de ce grand amour qui fut le sien pour Antoine, un auteur trois fois plus âgé qu’elle. Elle se remémore leurs rencontres, leurs échanges qu’elle racontait dans ses cahiers volés, pour ne pas oublier, les revit, les réécrit jusqu’à en faire un roman.

Pendant ce temps, Martin prend connaissance des mots d’une autre, de ses sentiments, de ses douleurs, de ses chagrins.

Il les fait siens lui qui a souffert, a fui sa vie, a voulu en construire – en détruire ? – une autre. Il en ressort prêt à repartir vers un avenir meilleur qu’il a envie de dessiner. Ne croyez pas cependant avoir affaire à deux égoïstes, imperméables aux autres, repliés sur eux-mêmes. Bien au contraire, un vent d’humanité souffle dans de récit à la fois émouvant, touchant, attendrissant qui rend les personnages profondément attachants. « Dans les larmes de Martin, il y a les mangues d’Ousmane, la détresse de Mounia, le regard résigné de l’homme assis par terre devant le bureau de poste depuis des mois et le visage lunaire de cette femme du troisième étage, dont le foulard laisse deviner un cancer. »

Un roman sublime, à la fois sobre et bienveillant, un roman où l’amour tient le rôle principal, un roman dont on sort apaisé, un moment de lecture lumineux.

Editeur : Allary
Date de Parution : 7 Mars 2019
Nombre de pages : 192

Un grand merci à Sophie LEMP et aux Editions Allary de m’avoir offert cette lecture en avant-première.