Ses précédents ouvrages, je ne les avais pas lus.

Pierre Demarty, je ne le connaissais pas.

Et puis, je l’ai entendu ou plutôt, je l’ai écouté. Je l’ai écouté parler de son deuxième roman « Le petit garçon sur la plage », je l’ai écouté débattre avec trois autres auteurs du thème « La fiction pour explorer le présent ». C’était à la Fête du Livre de Merlieux, petit village de l’Aisne. L’intelligence et la pertinence de ses propos, son érudition, son humour aussi m’ont subjuguée, oui, oui, je dis bien, subjuguée. J’ai souhaité acheter son roman. Une amie me l’a offert, merci pour ce très beau cadeau. L’auteur me l’a dédicacé. Je viens de le finir.

Un jour, un homme voit au cinéma l’image mouvante d’un petit garçon abandonné sur la plage, il voit aussi cette autre image, fixe celle-ci, que tout le monde connaît désormais du petit Aylan allongé lui aussi sur une plage. Ce petit garçon-là existe ou plutôt existait car il est mort. Ces deux images, l’une réelle, l’autre de fiction, bouleversent l’homme du récit en tant que père et en tant qu’homme, lui font revivre son enfance au bord de la mer et l’enveloppent de sentiments très forts.

Pour tout dire, la crainte m’a gagnée à la lecture des premières pages. L’écriture n’était pas pour moi. De petites phrases, très courtes, hachées, répétitives, semblables et différentes à la fois, des mots simples juxtaposés, souvent les mêmes et cette expression que j’abhorre « Il y a » répétée à l’envi. « Il y a une rivière qui murmure et qui scintille. Il y a beaucoup d’arbres. Il y a des petits chemins. Il y a des grands champs de tournesols plus grands que les enfants … Il y a un grand terrain devant la maison… Il y a une terrasse… Il y a le grand silence de la campagne… » Pour moi qui cherche à l’éviter, à trouver pour la remplacer un verbe expressif, déroutant, original, ce n’était pas possible.

Et puis, je ne sais comment, je me suis laissée envahir par les mots, le rythme du récit pareil au ressac de la mer, je me suis laissée submergée par cette langue particulière d’une beauté indicible. J’ai particulièrement aimé la finesse et la poésie avec lesquelles l’auteur explique, dit, dissèque les sentiments de l’homme, du père, tout à coup révélés par l’image de ces deux petits garçons qui auraient pu être les siens. J’ai aimé ce qu’il fait de l’information, de cet imbroglio de nouvelles données ce 3 septembre 2015, jour de la découverte du petit corps d’Aylan sur une plage, qui vont de Kim Kardashian, aux quinze ans du jazz à la Villette, en passant par des conseils de régime et le taux de chômage. Dans cet inventaire à la Prévert, il nous donne à voir la vanité de notre monde.

J’ai aimé, beaucoup, beaucoup aimé ce roman d’une rare intensité, d’une universalité qui ouvre la réflexion intime et permet à chacun d’y découvrir une partie de sa vie.

Un petit garçon… un grand roman, un écrivain talentueux, un coup de foudre.

Editeur : Verdier (Collection Chaoïd)
Date de Parution : 24 Août 2017
Nombre de pages : 128