Son premier roman, « Les échoués »,  nous embarquait sur des canots de fortune aux côtés de migrants fuyant la guerre ou la famine de leur pays pour atteindre d’hypothétiques eldorados.  Son deuxième « Ce que tient ta main droite t’appartient », nous plongeait au cœur de DAESCH, dont il analysait les mécanismes de recrutement de son œil acéré de grand reporter. Son troisième, « Le Paradoxe d’Anderson », plus proche de nous encore, s’attaque à la mondialisations, aux grands groupes et aux délocalisations qui ruinent la vie des ouvriers.

Aline et Christophe, la quarantaine, sont tous les deux ouvriers d’usine dans l’Oise. Elle, passe ses journées devant une machine à tricoter des chaussettes et lui, se brûle aux fours d’où sort le verre qu’il transforme en bouteilles. Ils ont deux enfants. Léa, jolie jeune fille de 17 ans, élève en Terminale ES, prépare son bac et Mathis, enfant volant le plus souvent de branche en branche dans son « arbre à Tarzan », est atteint d’une maladie inconnue. Une famille normale, quoi, avec ses joies et ses peines, une maison achetée à crédit, bien sûr, et une seconde voiture non encore payée. Mais quand un matin une partie des machines, dont celle d’Aline, a disparu, quand les collègues de Christophe décident de se mettre en grève parce qu’il est question de délocalisation… c’est leur monde qui disparaît.

Lire les ouvrages de l’auteur, c’est vivre de l’intérieur les bonheurs et surtout les malheurs de ses personnages qui pourraient être n’importe lequel d’entre nous. Comme un oiseau sur une branche, le sort de chacun est décrit dans sa fragilité. Les espoirs ne sont plus permis puisque même les grands diplômés ne trouvent aucun travail à la hauteur de leur savoir et de leurs compétences. C’est noir, triste, poignant, juste coloré du rose de la solidarité et du bleu de l’enthousiasme avec lequel les parents font sourire leurs enfants.

J’aime beaucoup la plume de l’écrivain trempée dans un bain de tendresse, de générosité, d’empathie hors normes pour tous les délaissés.

Il leur cède en héritage cette force qui leur donne le courage et le sourire, l’imagination, l’art de transformer la vie et ses aléas contre un tour de manège, une balade dans un champ digne d’une virée en terre inconnue. Il a cette qualité de traduire à l’aide de mots choisis le désespoir, mais aussi les petits bonheurs et surtout de nous ouvrir les yeux. Il nous raconte les petits, les laissés pour compte, les entoure d’affection et de respect. J’apprécie particulièrement aussi les ponts jetés par Pascal Manoukian qui d’un roman à l’autre garde une pensée toujours émue pour ses héros passés, tels les petits vendeurs de roses souvent venus des rives du Brahmapoutre.

Lire cet auteur c’est se remettre en question, regarder les autres avec un œil neuf, bienveillant, c’est avoir envie de donner.

Je ne vous parle pas de la fin  époustouflante… vous la découvrirez vous-même. Et vous verrez que quitter ce roman n’est pas l’oublier. Longtemps les mots résonnent et tournent en boucle.

Pascal Manoukian est, à mes yeux, un grand écrivain.

Editeur : Seuil
Date de Parution : 16 Août 2018
Nombre de pages : 304

 

Pascal MANOUKIAN, sera à la Librairie DECITRE à ANNECY (19 rue Sommeiller) le jeudi 20 septembre à 19h.