Nous sommes dans un bar… plutôt crade.

Et pourtant il s’agit bien d’un bar, enfin d’un « rade miteux » comme stipulé sur la quatrième , au nom original de Tourbillon. Et là, comme dans une tragédie classique, les fameuses trois unités sont respectées : le temps, on peut tabler sur une douzaine d’heures, le lieu, déjà cité, et l’action…on verra plus tard. C’est, en effet, dans un estaminet, plutôt sale, que nous retrouvons les habitués plus un. Le « plus un », c’est Gus, non pas Gus comme Gustave mais bien Gus comme…Gus, dont la vie sentimentale est une ruine. Là, il retrouve une bande d’habitués : Get, comme les 27 petits verres de liqueur verte qu’il boit chaque soir, Bolide sur un fauteuil roulant, Fred, un auteur qui va passer à la télé le soir même, Bijou, une péripatéticienne sur le retour et d’autres encore, servis par le patron, Hocine, qui n’est pas avare de tournées « maison ».

Un roman haut en couleurs.

J’ai adoré ce roman, haut en couleurs, pour l’histoire bien sûr mais aussi pour la qualité de l’écriture. Elle est enlevée, rapide, précise. L’auteur joue à merveille avec les mots et use d’un humour parfois grinçant « Fred, qui a les yeux rivés sur l’écran de son smartphone, déroule du pouce le fil d’actualité sans fin d’un réseau social sans fond. » Les personnages sont tous décrits avec précision, étudiés avec beaucoup d’attention, moqués parfois mais toujours avec bienveillance. C’est ainsi que de demis en verres de Jet 27, la journée s’écoule avec les faux départs de Gus en guise de fil conducteur, le passage de policiers alertés par le voisin du dessus et toujours l’humour de Rodolphe Casso « Si on n’attrape pas les mouches avec du vinaigre, on soudoie bien les flics avec du pastis ». Tout le monde, décidément, en prend pour son grade.

Et une fin magistrale.

Je ne vous révèlerai pas la fin, ce serait gâcher, mais je peux vous dire qu’elle vaut son pesant d’alcool. Elle clôt à merveille ce roman entre rires (nombreux) et larmes (un peu), véritable ode aux bars de quartier, centres de vie et de rencontres.

Un ouvrage à consommer, lui, sans modération.