Spassky, Fischer, Ulysse, Achille…

Spassky, le sage, le fin stratège, rusé comme Ulysse qui avait fini par trouver Achille, sur l’île de Skyros, caché parmi les filles de Lycomède, pour échapper à la guerre. Fischer, le génie, le capricieux, féroce comme Achille traînant la dépouille d’Hector qu’il venait de tuer. C’est ainsi que, sautant d’une page à l’autre, de l’Iliade au 20ème siècle, d’Achille à Fischer, d’Ulysse à Spassky, et de la guerre de Troie au championnat du monde d’échecs, l’auteur relève des similitudes troublantes, des comparaisons plausibles et des coïncidences frappantes. Et son imagination déborde jusqu’au fleuve Scamandre, rougi du sang des guerriers.

« Bobby Fischer, en 1972, fait la même chose qu’Achille, à l’identique. Achille le Péléide durant la guerre de Troie… Je lis des choses sur Bobby et, à l’intérieur de lui, Achille joue à cache-cache. »

Les comparaisons, nombreuses et bien observées, laissent rêveur :

  • Bobby Fischer, au funeste destin, menace dès le départ de ne pas jouer, restant à son hôtel pour arriver en retard. Comme le fait Achille, dont les jours sont comptés, se retirant sous sa tente.
  • Promu champion du monde, Fischer craque et pleure, comme pleure Achille, ému par le père d’Hector venu chercher la dépouille de son fils :

« Et Achille pleure… Achille en dehors de la guerre, est le plus faible des hommes. Or la guerre est finie. Elle est finie parce qu’il l’a gagnée. Et maintenant il est perdu. Fischer aussi, en dehors de l’échiquier, est le plus fragile des êtres. »

Dialogue entre l’auteur et son père…

Le fil ténu d’un dialogue que l’auteur conduit avec son défunt père qui était psy, donne au récit une composante déroutante et émouvante. Et si, au lieu d’être un livre sur la mythologie ou les échecs, c’était davantage une œuvre psychologique ?

« Eh oui, on parlait toujours de fous chez moi ; parce que chez moi, dans les années quatre-vingt, la folie était chez elle. »

Et le mot de la fin revient bien sûr à Bobby Fischer, nouveau champion du monde :

« Je ne crois pas à la psychologie, je crois aux coups réussis. »

« Le coup du fou » d’Alessandro Barbaglia, malgré quelques approximations avec le vocabulaire échiquéen, est un coup de maître.

Editeur : Liana Levi
Date de Parution : 6 Octobre 2022
Nombre de pages : 224

Traduit de l’italien par : Jean-Luc Defromont

Chronique rédigée par Lucien MUNIER, joueur et passionné d’échecs et…un lecteur qui a aimé ce roman.