Plonger dans « Le cœur converti », le roman de Stefan Hertmans – le mot est écrit sur la première de couverture – c’est se préparer à nager dans une eau trouble, à affronter une période noire de l’histoire des religions, à naviguer allègrement entre roman et documentaire, entre réflexions et explications de l’auteur, entre moyen-âge et 21ème siècle.

Vigdis, chrétienne aux cheveux blonds et yeux bleus est le personnage principal de ce roman né d’une réalité datant du onzième siècle.

C’est en effet de Monieux dans le Vaucluse que tout part. L’auteur, qui y vit, apprend que le village a été victime d’un pogrom dans les années 1090. Il décide de découvrir des indices et un document trouvé au Caire le met sur la voie. La jeune femme, tombée amoureuse de David, étudiant à la yeshiva de Rouen, se convertit au judaïsme. Elle le suit dans le sud à…Monieux pour échapper aux chevaliers lancés à ses trousses et chargés de la ramener à son père. Le couple sera toutefois confronté aux croisés de plus en plus nombreux à rejoindre Jérusalem. David y laissera la vie et leurs deux aînés seront enlevés… Une vie douloureuse commence alors pour la jeune femme et son troisième enfant, rescapés des horreurs.

J’ai aimé la beauté de l’écriture, travaillée, délicate, brossée tel un tableau « Le chemin serpente à travers des terres vallonnées. Ils arrivent aux Gorges de la Sioule, menaçantes sous une légère brume. » J’ai pris un énorme plaisir à la lecture des descriptions des lieux traversés entre Rouen et Monieux, lieux que je connais personnellement. J’ai été particulièrement admirative de l’érudition de l’auteur. J’ai apprécié le récit à la frontière du conte, foisonnant, à la fois leçon d’histoire, manuel de géographie, étude sociologique. J’ai été subjuguée par le superbe personnage de Vigdis, femme forte, rebelle, volontaire, courageuse, véritable héroïne de tragédie.

En revanche, mon manque de fantaisie, d’excentricité, d’originalité sans doute, ne m’a pas permis d’adhérer totalement à la construction choisie. J’ai trouvé réalité et fiction, passé et présent, trop intimement mêlés. Il me fut parfois difficile de faire un bond de plus de mille ans en passant d’une phrase à l’autre.

« Peu après, ils arrivent à la confluence du Tarn et de la Dourbie, juste avant Millau… Il fait chaque jour plus chaud.
Près de six siècles plus tard, j’emprunte en voiture le viaduc spectaculaire qui passe très haut au-dessus de Millau. »

Je le regrette car « Le cœur converti » est un écrit digne d’intérêt, de même que les connaissances de l’auteur et son opiniâtreté à faire la lumière sur des faits historiques.

Editeur : Gallimard
Date de Parution : 23 Août 2018
Nombre de pages : 368