Avis : ★★★★★

La langue française est riche et pourtant ! Pourtant, il est parfois difficile de trouver le mot juste. Je viens de refermer le recueil de poèmes de Watson Charles, « Le chant des marées », après une seconde lecture, et je suis sans mot.

Que dire d’une telle écriture ? Belle ? C’est banal, non ? Magnifique ? Ça me semble trop convenu. Superbe ? Tout pareil. Alors quel qualificatif peut décrire un tel texte, celui que j’ai préféré parmi tant d’autres :

La journée s’en alla
Comme un vieux madras
Je te vois pleinement dans l’artifice
Des jours
Ta voix berçant les Loas de ma ville
Toutes les sources ont repris le refrain des damnés
Et les champs épousent la courbe
De tes yeux sous-marins

Je regrette, en lisant, de ne plus avoir d’élèves devant moi.

C’eût été un bel exercice que de disséquer ce poème, essayer de deviner à qui appartient cette voix qui berce les Loas et possède des « yeux sous-marins », leur faire entendre la musique née de ces mots enchevêtrés.  L’auteur exprime des sentiments de tristesse, de solitude, de mal-être. Il mêle des expressions qui vont et viennent librement tel le ressac de la mer – la mère ? – car il est bien question d’une femme, oui, mais laquelle ? A travers des petits textes (un peu plus de 70), en vers – libres – ou en prose, Watson Charles semble nous raconter une histoire, des souvenirs, des désirs, des regrets sans doute et la nostalgie de la terre mère. Il parle de son pays d’origine, Haïti. Ses phrases sont ciselées, la sensibilité affleure, les termes sont choisis, le poète nous emporte sur les vagues qui bordent son île et nous fait pénétrer sa vie d’exilé.

Jeune, je lisais beaucoup de poésie, Baudelaire, Verlaine, Rimbaud. Et puis, plus tard, j’ai rencontré René-Guy Cadou, Jean Bouhier, Luc Bérimont, toute l’équipe de l’Ecole  de Rochefort. J’avais un peu laissé ce genre littéraire de côté.

Avec Watson Charles, je l’ai retrouvé.

C’est tout simplement sublime, un voyage au cœur de son île originelle, une île faite de beauté, mais aussi de souffrance, une île à laquelle il rend un hommage vibrant, une île pour laquelle il souffre :

Enfant de la terre mal aimée
Enfant
Calciné de la guerre
Je continue ma route
Car ma soif est lointaine
Enfant de tous les pays
Paria du monde
Je viens de loin

Le rythme est lent, obsessionnel, prenant, envoûtant. A lire, relire et savourer !

Editeur : Unicité
Date de Parution : 15 Mai 2018
Nombre de pages : 90