« La forêt s’égouttait encore des larmes de la nuit. Parfois, racontait la légende des Yacou, le Soleil pleurait de se savoir enfermé dans le noir. Peïne ne lui en voulait pas, bientôt il réchaufferait la tribu. »

Ainsi commence le quatrième roman de Pascal Manoukian « Le cercle des hommes«  qui nous projette d’emblée au cœur de l’Amazonie, et relève à la fois du roman d’aventure, d’un conte poétique et d’une sorte de fable moderne aux accents philosophiques.

Il s’agit d’une rencontre improbable entre une tribu d’Indiens dont la survie est menacée par les atteintes portées à leur forêt et un homme d’affaires pressé qui tombe du ciel à leurs pieds. Quand il le découvre – il, « le rebelle », un des membres du clan – il voit « une masse noircie, difforme, à l’odeur de brûlé, à moitié enfoui sous les ronces, couverte de poils et de sang séché. Il chercha la tête et la trouva cachée sous une fougère. Rien de reconnaissable. »

Ce sera à cette « masse » de prouver qu’elle est en réalité un homme.

En lisant cet ouvrage me revenait sans cesse en tête, les premiers vers du magnifique poème de Verlaine « Mon rêve familier »… Les romans de Pascal Manoukian ne sont , en effet jamais, ni tout à fait les mêmes ni tout à fait autres. L’auteur semble poursuivre un objectif, celui de raconter notre monde, ses noirceurs, mais aussi ses espoirs. Après les migrants, DAESCH et la casse des usines qui met à mal les petits, il s’attaque aux méfaits des grands groupes, à la surconsommation, à la destruction de la forêt amazonienne.

La langue est poétique, imagée, parfaitement adaptée aux personnages qu’il choisit de mettre en scène. La construction rend l’histoire vivante qui raconte en parallèle, par chapitres alternés, deux mondes si différents. L’ouvrage narre les difficultés à survivre de ces peuples poussés dans leur retranchement par les machines destructrices. Il foisonne de descriptions de la faune et de la flore, fait part des petits riens de la vie quotidienne et des traditions ancestrales tout en mettant en lumière la gravité de notre monde actuel et notre rapport à la nature. Et surtout, il nous donne à voir l’incroyable prise de conscience d’un homme des villes riche et puissant au contact d’un simple peuple nomade des forêts. 

Pascal Manoukian fut grand reporter. Lors de la parution de son précédent roman j’avais dit qu’il était désormais un grand écrivain. Et ce n’est pas « Le Cercle des Hommes », ensorcelant, addictif, qui va modifier mon point de vue.

Editeur : Seuil 
Date de Parution : 2 Janvier 2020
Nombre de pages : 336

Je remercie chaleureusement les Editions du seuil qui m’ont permis cette lecture en avant-première.