Avis : ★★★★★

Non, je ne tergiverserai pas, je n’irai pas par quatre chemins, je ne mâcherai pas mes mots.

« L’appartement du dessous », nouveau roman de Florence Herrlemann est absolument magnifique. Totalement différent de son premier, « Le festin du Lézard » – dans le fond et dans la forme – il est tout aussi brillant et ça, c’est très fort.

La romancière a choisi le genre épistolaire pour nous narrer l’histoire d’Hectorine et Sarah. Hectorine – presque 104 ans – habite depuis des lustres un appartement du quartier du Marais à Paris. Lorsqu’une jeune femme prend possession du logement situé juste au-dessus, pour la première fois elle déroge à sa règle d’accueil. Pas de présentation à sa nouvelle voisine, ni de madeleines, sa spécialité pâtissière. Elle lui écrit juste un petit mot « Je ne me présente pas, pas tout de suite. Je m’expliquerai plus tard sur cette volonté que j’ai, parfois, d’envoyer valser les usages… », qu’elle dépose sur le pas de sa porte. C’est ainsi qu’une correspondance débute entre les deux voisines.

A coup d’anecdotes, de secrets, nous visitons Berlin, Cabourg et Paris.

Les personnages sont tous attachants. Je ne parle pas seulement des deux plus importants. Les rôles secondaires, savamment mis en scène par la facétieuse Hectorine, trouvent eux aussi, une place de choix. Elle pare ce petit monde de tendresse et d’ironie à la fois, et les compliments laissent parfois la place à de jolis coups de griffe.

La beauté de l’écriture est de celle qui se cache derrière des mots simples, des phrases fluides, des tournures élégantes.

Le style, dépouillé et élégant, sans ostentation mais d’une grande efficacité, rend la lecture aisée. La succession des missives délivre les informations avec parcimonie grâce à un usage maîtrisé du cliffhanger. Au fur et à mesure de la lecture, l’attention va croissant, le désir de savoir le dispute au souhait de faire durer le plaisir, l’attente, de repousser la crainte d’une découverte douloureuse, d’un aboutissement malheureux. « L’appartement du dessous » n’est pas un roman policier. Pourtant un suspens latent, une émotion grandissante rendent ce roman captivant, envoûtant, palpitant, émouvant. A la fois sombre et lumineux, il mêle avec beaucoup de doigté la petite et la grande histoire sans jamais en dire trop.

La fin est magnifique qui dénoue les liens, apporte des réponses, donne des explications, met les points sur les « i ». C’est un grand roman, sur la transmission entre les âges. Avec une délicatesse infinie il montre combien la parole est importante et l’amitié possible entre générations.

Un superbe récit, un moment de lecture intense.  

Editeur : Albin Michel
Date de Parution : 27 Février 2018
Nombre de pages : 256