Mais se plonger dans ce « Laëtitia » là, c’est tout revivre au centuple.

Aux confins du roman policier, de l’étude sociologique, de l’oraison funèbre, du récit historique, du devoir de mémoire, sans être rien de tout ça, l’ouvrage est d’une qualité exceptionnelle d’humanité. L’écrivain écrit, certes, mais derrière les mots on entend l’homme, le père.

Ivan Jablonka est un historien et un sociologue et on le sent. Alternant les chapitres techniques, historiques et politiques à la fois et ceux qui racontent la vie de la victime, il nous entraîne dans un compte-rendu précis, détaillé, un point de vue humain. Il rend ainsi un hommage à la victime mais recherche également la justice et la vérité. Il va essayer, tout au long du livre, sans porter de jugement et tout en retenue, d’analyser, de comprendre, d’argumenter, de rechercher les tenants et les aboutissants d’une mort que l’on peut presque croire annoncée.

Ce récit est foisonnant qui est à la fois une étude sur l’inégalité des chances et une observation de l’instrumentalisation de ce type de drame par les politiques. C’est aussi l’occasion de pointer du doigt les manques de moyens de la justice, des instances de réinsertion, les dangers de la prison, les récidives.

En lisant ce document d’une richesse incomparable, j’ai, en effet, du mal à croire à l’égalité des chances. Laëtitia semblait s’être sortie de sa condition d’enfant en souffrance et pourtant. Réussit-on à se relever d’une enfance cabossée ? Et les questions lancinantes… pouvait-on faire quelque chose, était-elle au mauvais moment, au mauvais endroit ou inconsciemment est-elle allée vers ce qu’elle pensait être son destin ?

Ivan Jablonka a réalisé un travail de fourmi pour ressortir cette histoire des cartons et il livre un hommage magnifique à cette jeune Laëtitia à laquelle il redonne toute sa dignité.

Editeur : Seuil
Date de Parution : 25 Août 2016
Nombre de pages : 400