Avant même qu’il ne soit couronné par le Prix du roman Fnac 2018, je l’avais acheté, conseillée par une libraire de la Fnac de Montpellier.

Depuis sa sortie il trônait sur mon étagère. Je viens de le dévorer, dans un souffle, au rythme d’un TER reliant Annecy à Lyon. Il s’agit, vous l’avez deviné, du premier roman d’Adeline Dieudonné « La vraie vie ».

J’ai lu ce roman comme un enfant apeuré se cache les yeux de ses doigts écartés. Les mots de la petite fille, la narratrice sans nom, pour raconter l’histoire de sa vie, la vraie vie, à la fois tendre et violente, faite de petits plaisirs et de grands malheurs, me hantent encore.

Elle vit avec son petit frère Gilles et ses parents dans un lotissement où toutes les maisons se ressemblent. La particularité de la leur réside dans l’existence d’une quatrième chambre qu’elle appelle celle des cadavres. C’est là que le père agence ses trophées de chasseur de gros gibier. C’est un père violent, violent avec sa femme, soumise et peu loquace qui se contente de gémir lorsque les coups pleuvent. Pour les enfants la vie est simple qu’ils passent à jouer dans une casse de voitures jusqu’à un certain jour. Une poussière, ou plutôt une explosion va faire voler le présent en éclats et rendre muet le petit frère qui se réfugie dès lors dans un autre monde. Sa sœur n’aura alors de cesse de tenter de remonter le temps pour lui redonner vie.

Avec une grande maîtrise, l’auteure alterne une écriture empreinte d’une grande légèreté et des passages pesants lorsqu’il est question de la violence de ce père sanguin. J’ai beaucoup aimé l’affection caressante dont Gilles est entouré par sa grande sœur, et la précision avec laquelle sont décrits les moments avant-coureurs d’une crise paternelle, suivis de l’inexorable :

« Et c’était parti. Tout ce qu’elle (la maman) pouvait espérer c’était que toute la colère de mon père sorte en cris. Enfin, c’était plutôt des rugissements… Et si les rugissements ne suffisaient pas, les mains venaient l’aider… Ma mère se retrouvait toujours par terre, immobile. Elle ressemblait à une taie d’oreiller vide. »

J’ai aimé aussi les descriptions des lieux fréquentés par les enfants : « Par contraste, ce quartier gagnait en mocheté à mesure que la météo embellissait. »

Ce récit, je le garderai longtemps en mémoire. Lu entre larmes naissantes et début de nausée face à certaines scènes à la description insoutenable, je ne pourrai l’oublier. C’est un premier roman, certes, mais un premier roman d’une force inouïe, dense par les émotions soulevées, noir et drôle à la fois, poignant jusqu’au bout.

Une très belle découverte.

Editeur : L’iconoclaste
Date de Parution : 29 Août 2018
Nombre de pages : 265