Et, autant vous prévenir tout de suite, celui-ci est noir, d’autant plus noir que je le pense réaliste. Je pourrais, comme le modérateur de la rencontre l’a fait ce fameux samedi 30 juin, non pas vous lire la première phrase mais vous l’écrire. Je ne m’y résous pas, elle représente seize lignes, autant dire une éternité. Mais elle résume à elle seule le délitement du monde. Car c’est aussi un roman social qui ne craint pas d’étriller notre société et ceux qui la gèrent. Personne n’en ressort indemne, tout le monde en prend pour son grade.
Dans une grande ville de l’Ouest de la France, un capitaine de police de l’antenne régionale de la DGSI, Mokrane Méguelati, meurt sous les balles du brigadier Richard Garcia, policier municipal. On a juste le temps de comprendre qu’il va se passer quelque chose, quelque chose de grave, mais quoi ? L’indic de Méguelati, lui aussi tué par balle juste avant, n’a pas eu le temps de parler, ni le policier de prévenir…
Les personnages, parfaitement décrits, possèdent tous leur lot de défauts, bassesses et autres dépravations. En bon observateur, Jérôme Leroy traite de sujets actuels avec beaucoup d’acuité. Mais il sait prendre du recul et l’humour qu’il manie de main de maître permet au lecteur de retrouver sa respiration et de regarder les exactions en tout genre de plus loin. Si, en vieille prude que je suis, je n’ai pas obligatoirement apprécié le vocabulaire cru utilisé pour les scènes de sexe, je dois avouer qu’il les sert à merveille et les rend parfaitement crédibles. J’ai en revanche beaucoup aimé les répétitions de nom « Le brigadier Richard Garcia essaie en vain de se rappeler la procédure à suivre… le brigadier Garcia est un peu perdu…Le brigadier Garcia… devrait être content d’avoir tué un arabe armé… Le brigadier Garcia essaie d’oraliser ses angoisses… » « Le capitaine Mokrane Méguelati n’a pas trop aimé le ton d’Abdul Slimane (c’est son indic)…Le capitaine Mokrane Méguelati venait de rentrer dans sa maison de Sainte- Marguerite… Le capitaine Mokrane Méguelati en a pour quarante ans de crédit… » qui donnent à comprendre l’effervescence dans laquelle vit chacun des protagonistes.
« La petite Gauloise » est un très bon roman noir, bien ficelé, écrit dans une langue qui n’est pas de bois mais totalement dépourvu de jugement. C’est un roman d’observation dans lequel l’auteur raconte les faits, rien que les faits et laisse à chacun le soin de se faire son idée. Quant à cette petite Gauloise, le nœud de l’affaire, l’héroïne – enfin le terme n’est peut-être pas particulièrement bien choisi – je vous laisse la découvrir. Vous ne devriez pas être déçus.
Editeur : Manufacture de livres
Date de Parution : 8 Mars 2018
Nombre de pages : 128