Avis : ★★★★★
Après « Profession du père », roman bouleversant, et un détour par un ouvrage plus technique relatif à l’école et les orientations à lui donner, je viens de refermer « La maladroite », premier roman d’Alexandre SEURAT, 34 ans. Voilà ce que j’écrivais il y a quatre ans… mon blog n’était pas né.
Si le sujet avait été plus léger, j’aurais bien quelque peu modifié l’acte 2, scène 2 du Cid et dit « pour un coup d’essai, ce fut un coup de maître ».
Mais le thème ne se prête pas à de tels jeux de mots. Car, ne s’agit-il pas finalement de la chronique d’une mort annoncée ? C’est, effectivement, sur un avis de recherche que commence ce roman, une petite fille a disparu… Peut-on vraiment dire, alors, que l’on a aimé un tel ouvrage ? Le malaise ressenti, la douleur au creux du ventre, les battements de cœur difficiles à calmer, le sentiment de culpabilité d’être peut-être passée moi-même, un jour, à côté de la barbarie, m’empêchent d’employer ce mot. Peut-on aimer l’horreur ? J’exprimerai plutôt mon admiration totale pour l’auteur.
Le récit est époustouflant, la maîtrise du romancier incroyable tant dans le fond que dans la forme. Il réussit le tour de force de ne jamais tomber dans le pathos, de ne jamais porter le moindre jugement, de ne culpabiliser personne. Les faits sont relatés, clairement, presque froidement, les non-dits toujours très forts. Dans la forme, Alexandre SEURAT a choisi la polyphonie, comme dans une tragédie grecque. Chacun, la grand-mère, la tante, le frère mais aussi tous les autres acteurs, les instituteurs, assistantes sociales, médecins et autres forces de l’ordre, tous ceux qui ont vu, pensé, imaginé, subodoré, racontent tour à tour leur vision, leurs doutes, leurs craintes, leurs peurs. Dire ou pas dire…Comment ? Pourquoi ? Faut-il ? Une parfaite maîtrise de la langue, une langue parlée, sans ponctuation, toujours adaptée à la personne qui s’exprime, ajoute au vertige lié au flot de paroles débitées par les uns et les autres.
En général, lire est un plaisir. « La maladroite » fut une véritable souffrance, reflet d’un sentiment d’impuissance. Mais, j’en suis certaine, un grand auteur est né.
Editeur : Le Rouergue
Date de Parution : 19 Août 2015
Nombre de pages : 128