C’était un samedi, le 17 mars 2018, c’était à Quintin, village de caractère dans les Côtes d’Armor, c’était salle Poulain…

J’avais souhaité participer à la dictée publique organisée dans le cadre du salon du livre, dictée écrite et lue par elle. Elle, Fabienne Juhel, une romancière, enseignante de lettres, vénérée par ses élèves nombreux à l’écouter lire ses phrases et mots tarabiscotés. Une belle rencontre qui se poursuit à travers les pages de « La femme murée « , son dernier roman.

Le titre est beau – je trouve – et la couverture aussi, comme toujours au Rouergue. Mais ouvrir le livre, se plonger dans l’histoire c’est se retrouver un soir de 14 juillet, bouche ouverte et yeux écarquillés devant les étoiles multicolores qui griffent le ciel. L’écriture est une merveille qui raconte la vie – très romancée – de Jeanne Devidal que l’on appelait « La folle de Saint-Lunaire ». Elle habitait une maison improbable, près de la mer, édifiée de ses mains et faite de bric et de broc. Jeanne aurait pu en somme être la sœur du Facteur Cheval ou encore de Raymond Isidore, créateur d’une maison, à Chartres, entièrement décorée de bris de faïence et appelée la Maison Picassiette.

 

L’auteure parle de cette femme marginale avec tendresse, empathie et même admiration.

Elle construit son roman à la manière de la maison en commençant par les fondations, les murs, l’un après l’autre, pour terminer par le mirador. Le récit est une musique, une dentelle, je l’ai lu lentement me régalant encore et encore de ses petites phrases « La mer est une rumeur lointaine qui l’appelle. Une maîtresse enroulée dans ses châles piqués d’écume qui taille des pipes au vent. » Et puis il est question de Bretagne, de MA Bretagne. « … Brest. Son château, étrangement épargné. Sa rade. L’arsenal. La mer d’Iroise. Faire barrage au vent. Aux vents du Ponant. » Sans parler des expressions empruntées au poète qui décrit si bien Brest… sous la pluie, un déluge de fer, d’acier… qui parsèment le texte, ça et là.

Etonnée, au départ, dérangée, troublée par l’alternance entre le « elle » et le « tu », je m’y suis parfaitement habituée. Il faut dire que la poésie l’emporte, cette manière de parler de Jeanne et de lui rendre hommage, de ne rien raconter de ce qu’elle n’a dit de ses tortures, pendant la guerre. Elle fait de cette femme blessée, différente, une héroïne, elle lui organise une sépulture littéraire allant jusqu’à lui inventer une fin.

Jeanne est décédée il y a dix ans, sa maison a été détruite, elle devenait dangereuse. Mais elles revivent toutes les deux à travers le récit de l’auteure. Un récit fantastique. Une belle reconnaissance.

Un véritable coup de foudre.

La maison de Jeanne :       

Et celle de Picassiette à Chartres : 

 

Editeur : Le Rouergue (Collection : La Brune)
Date de Parution : 4 Avril 2018
Nombre de pages : 192