Sublime…

Sublime, il l’est en effet. Sublime par son écriture d’une élégance et d’une grande précision. Chaque mot semble pesé, posé là à l’endroit parfait, en écho aux précédents et aux suivants

« …elle apparaît. En gloire. Pas bien grande, pas bien grosse, mais magistralement plantée, un sphinx au milieu du désert dont elle possèderait chaque grain de sable. Madame de Miremont. »

Sublime aussi par son sens de la nuance, de la retenue. Et de la nuance il en fallait pour traiter un sujet aussi grave, terrible, maintes fois repris. Il en fallait de la retenue pour conter l’histoire de Madame de Miremont, mère de trois enfants qui délaissa ses filles pour aimer, entourer, donner son fils à Dieu. Car Dieu est sa vie et son fils sera à lui, elle l’a décidé. Un amour passionnel, une vénération infinie pour Pierre-Marie, ce fils devenu prêtre, tel qu’elle le souhaitait. Et quand Pierre-Marie venait, chaque jour, lui rendre visite

« C’est avec cérémonie qu’ils prenaient place dans les fauteuils du salon, lui attendant qu’elle fût assise et lui fît signe de le rejoindre. »

Et puis tout bascule sous la plume de Cédric Lautet, journaliste qui relate les faits monstrueux, et plus encore sous les mots d’Hadrien, abusé, violé dans sa jeunesse par un prêtre…

Construction parfaite…

La construction est parfaite qui, entre description des faits et bribes du journal de Madame de Miremont, dresse le portrait d’une mère fière, hautaine, peu encline à l’humilité. Elle descend pourtant petit à petit de son piédestal, son château de cartes s’écroule. Elle se laisse aller à la culpabilité et s’émeut du malheur de ceux qui ont été maltraités. Difficile quand on est mère de reconnaître le monstre qui habite son fils, celui-là même qui a habité son sein, le bourreau qui a anéanti tant d’enfants. Un subtil portrait de femme détruite mais aussi un bel hommage empreint d’un profond respect, d’une immense empathie, à ceux qui osent parler, dénoncer, confondre. Une manière originale et sensible de traiter ce sujet difficile et douloureux, vu du côté de la famille de l’accusé.

« Je suis la maman du bourreau » est un roman magnifique, doté d’une fin impressionnante. Un nouveau coup de foudre.

Editeur : Héloïse d’Ormesson
Date de Parution : 13 Janvier 2022
Nombre de pages : 201

Roman éligible pour le Prix Orange du Livre 2022, lu en qualité de membre du jury.