Chronique rédigée par Lucien MUNIER

Commence alors une longue réadaptation aux gens et aux choses, une recherche de son passé, de ses proches, un total réapprentissage de sa vie…. Et de ses idées.

« Vous dites que j’étais dans le Coma ? Est-ce une contrée lointaine où je m’étais aventurée ?

On peut l’envisager comme ça… »

La route est longue, et la renaissance laborieuse.

 « Nuit après nuit, mon pauvre esprit doit trier, classer, et surtout essayer d’assumer tout ce que j’ai redécouvert durant les dernières heures. Données, concepts, relations, principes, lois, limites … Un joli foutoir !

Ne vous méprenez pas. Ce roman n’est pas un précis médical, ni une rando dans les couloirs des hôpitaux, encore moins une descente dans les enfers de la maladie. Avec une écriture légère et enlevée, des traits d’humour à chaque page, l’auteur met en scène une Laura en reconstruction, autorisée à ce titre, à jouer à l’enfant (mais que faire d’autre) et surtout à jeter sur la société un œil neuf, forcément critique. Elle épingle ainsi les principes, les faux semblants, les hypocrisies, les impostures, les fourberies, les protocoles, les tromperies, les injustices, avec des réactions franches saines et naïves, hors des codes préétablis.

« Je suis fasciné par le cérémonial que représentent les repas dans notre mode de vie… Manger constitue chaque fois toute une affaire… S’asseoir sur la bonne chaise… Ne pas mettre les mains sous la table, ne pas mettre les coudes dessus… »

Non, ce n’est pas un livre sur la maladie. C’est davantage une comédie :

« C’est terrible. Ta mémoire est effacée. Quel drame ! Ma meilleure amie est une clé USB qui a pris la foudre. »

Mais aussi et surtout une critique, parfois acerbe de l’être humain et de la société. Dans ce volet du roman – essentiel à mon sens  – c’est Lucie, sa meilleure amie qui s’y colle, qui lui ouvre les yeux, et qui, en tant que formatrice et accompagnante, la « remet à jour. » Sans équivoque :

 « Il arrive que les autorités ou même les gouvernements élus, supposés nous protéger se laissent corrompre par des intérêts particuliers, trahissant ainsi ceux qu’ils devraient servir… Dans la vraie vie, ceux qui utilisent le mieux les lois ne sont pas les plus honnêtes… »

Sur la voie de la guérison, Laura l’amnésique n’éprouve hélas que des regrets en redécouvrant la vraie vie :

« Je suis convaincue que plus on réfléchit, plus il est difficile d’être heureux. Voire impossible»

 

Dans cette renaissance de Laura à la réalité – renaissance débordante d’humour et de frivolité – l’auteur aborde en réalité des thèmes humains importants et profonds. Mais n’avons-nous pas déjà rencontré dans notre jeunesse, sur les bancs de l’école, un auteur qui, se retranchant derrière des histoires anodines et futiles, traitait de sujets humains et sociétaux éminemment sérieux. Au 17ème siècle, ce n’était certes pas Laura qui était l’héroïne, mais j’ai souvenir d’un renard chapardant un fromage à un corbeau, d’une grenouille qui voulait se faire aussi grosse que le bœuf, ou encore d’une cigale qui, ayant chanté tout l’été se trouva fort dépourvue lorsque la bise fut venue.

Gilles Legardinier n’est certes pas La Fontaine, mais dans ce livre, son inspiration est grandiose, son imagination débordante, les comparaisons déjantées, les situations cocasses, les descriptions farfelues, les idées saugrenues, les scènes extravagantes, les répliques abracadabrantesques.

Ah ! J’oubliais : Et grosses sont les ficelles, que seul peut dissimuler – ou faire oublier – l’immense talent de l’auteur.

Editeur : Flammarion
Date de Parution : 10 Octobre 2018
Nombre de pages : 400