Il possède toutes les qualités que j’attends d’un ouvrage : une histoire passionnante ou émouvante, ou les deux à la fois, et une belle écriture. Il raconte à deux voix le génocide rwandais. Nous sommes en 1994. Rose, une jeune Tutsi, muette, écrit à son mari médecin, souvent absent, pour lui raconter ses journées aux côtés de leur fils, tout petit. Le père de rose était le cuisinier de l’ambassade de France à Kigali et il a été assassiné. Sa maman a repris le flambeau. Et puis il y a Sacha, journaliste française venue couvrir l’après-apartheid en Afrique du Sud et qui va se retrouver au Rwanda avec Benjamin, son photographe attitré, à la lueur d’une intuition et de la découverte de camions remplis de machettes.
Yoan Smajda a magnifiquement lié la mort et l’amour. Aussi documenté soit le récit, aussi précis soit-il dans les témoignages de combats, les horreurs, les exactions, il s’agit bien d’un roman dans lequel l’amitié et l’amour sont présents. Deux voix, deux écritures parallèles et si différentes, qui, c’est la magie de la littérature, finissent par se rencontrer : la précision de la journaliste, la poésie de cette femme muette dont seuls les mots couchés sur le papier réussissent à formuler l’indicible. L’auteur parvient aussi à dire que le deuil est possible, que l’avant entraîne un après et que l’espoir d’une vie meilleure s’avère souvent. La fin, sans être mièvre est, en effet, comme un baume sur les blessures, un baume aussi onctueux que le beurre d’Echiré, le meilleur entre tous, servi à l’Ambassade de France à Kigali. Il ne faut pas oublier que dans ce livre il est aussi beaucoup question de cuisine.
« J’ai cru qu’ils enlevaient toute trace de toi » est un roman percutant, de ces récits dont l’écho se prolonge au-delà des pages, se fiche en soi et résonne longtemps.
Editeur : Belfond
Date de Parution : 4 Avril 2019
nombre de pages : 288
Ce livre a été lu dans le cadre de la sélection de l’association « Les 68 Premières Fois » – Rentrée littéraire 2019.