Ce roman nous plonge dans la vie de Betty, une jeune femme solitaire qui « venait de l’autre bout de la planète et, depuis son arrivée en France ne manquait jamais les infos : si un astéroïde géant s’abattait sur mon île natale, l’enfonçant dans l’Atlantique, c’est ainsi que je l’apprendrais, se disait-elle ». Elle ne manquait jamais non plus d’observer ses voisins de l’immeuble d’en face. Elle essayait de deviner les vies qui se déroulaient derrière les fenêtres. C’est ainsi qu’elle se prit d’amitié pour une personne âgée qu’elle surnomma Félicité. Elle la chercha désespérément dans toutes les maisons de retraite avoisinantes quand elle s’aperçut qu’elle avait quitté son domicile. Elle la trouva, et lui rendit visite régulièrement.

Ce roman est d’une grande beauté.

L’écriture y est magnifique, imagée, recherchée. Les réflexions y sont profondes. Betty parle, parle et parle encore avec cette langue digne d’une conteuse. Il est bien difficile de ne pas recopier chacune de ses phrases tant elles sont parfaitement choisies, notamment lorsqu’il s’agit de lecture. Elle passe en revue les différents ouvrages qu’elle possède souhaitant trouver le mieux adapté à son amie « Félicité » et finit par se dire que « Offrir des livres ou donner des conseils de lecture est un exercice périlleux : quand on se trompe, on passe pour idiot ou prétentieux. Et il est facile de se tromper, car chacun se prosterne à l’hôtel de sa propre sensibilité. » Plus drôle, l’image d’une amoureuse friande des cadeaux que son mari lui ramène de ses voyages et son dépit lorsqu’il oublie « … la chérie s’effondrait et sanglotait : Tu n’as même pas pensé à moi ? Tu ne m’aimes plus. Il faut dire qu’il l’avait courtisée et séduite ainsi. Les chattes s’habituent au pâté qu’on leur donne. Est-ce leur faute ? »

Je me suis ainsi régalée tout au long du récit de ces formules expressives ou graves, mais aussi de cette richesse de vies dans laquelle la narratrice s’enfonce au point de s’y abîmer. A aucun moment je ne me suis lassée de cette virée au cœur de l’humain, de ces personnages tous pourvus d’une richesse visible ou cachée, de leur histoire, de ce qu’ils traînent dans leur sillage.

De cette auteure que je ne connaissais pas, j’ai retenu l’empathie pour ses personnages et je reste inassouvie de plus de pages encore.

« Inassouvies, nos vies », un très joli titre pour un roman rayonnant.

Editeur : Flammarion
Date de parution : 15 Août 2008
Nombre de pages : 271