C’est pourtant le premier mot qui m’est venu en tournant la dernière page du deuxième roman de Jérémy Fel « Helena ». Pour tout dire, il me trottait même dans la tête depuis le début, subjuguée que j’étais. Ce roman, je n’irai pas par quatre chemins, je l’ai beaucoup, beaucoup aimé même si, élagué d’une centaine de pages, il m’aurait semblé encore plus puissant.
Parler du sujet sans rien déflorer ne me semble pas simple aussi me contenterais-je de lister les personnages :
Tommy, un jeune adolescent qui prend plaisir à tuer des chiens et pas n’importe comment, Hayley, jeune fille de dix-sept ans qui s’apprête à participer à un tournoi de golf à Dallas, Norma, une femme d’une quarantaine d’années, mère de trois enfants, Graham, Cindy et… Tommy. Lorsque Hayley, tombe en panne sur le chemin de Dallas, elle est prise en charge par Norma qui la ramène chez elle, le temps que sa voiture soit réparée. Des destins qui se croisent, s’entremêlent, se construisent, se détruisent et basculent.
Addictif, envoûtant, passionnant, ensorcelant, je ne saurais trouver d’autres qualificatifs pour ce roman qui m’a tenue en haleine jusqu’à la fin ou presque. J’ai aimé la construction du récit par chapitre alterné, chacun portant en titre le nom d’un des protagonistes. J’ai particulièrement apprécié les explications de l’un dans l’autre, les retours en arrière, les liens établis entre les faits et les raisons de ces actions. Le roman est noir et d’une violence inouïe mais rien n’est gratuit et tout est expliqué. Et surtout il est bien plus que ça.
L’auteur décortique le cœur de chacun, analyse, dissèque l’importance de la vie, ses difficultés, ses horreurs et leurs conséquences. Il utilise une écriture simple, élégante, fluide, mais sacrément efficace. Il substitue aux horreurs des passages poétiques, faisant de ce Midwest des Etats-Unis un décor parfait pour l’intrigue. J’ai aimé aussi les rappels de son premier roman « Les loups à leur porte », forcément intéressants pour ceux qui l’ont lu mais qui ne gênent en rien ceux qui ne le connaissent pas. Les passages de la réalité à l’hallucination sont savamment maîtrisés, l’auteur fait preuve d’une grande connaissance dans le domaine des pathologies mentales. Par ailleurs, l’équilibre est parfait entre dialogues et récit. Par moment, la narration d’instants heureux permet au lecteur de reprendre son souffle, de baisser les épaules, d’oublier la tension.
Et puis il y a Helena, et puis il y a la vision de l’importance d’une mère dans la vie. Jusqu’où une mère est-elle capable d’aller pour sauver son enfant ? Jusqu’où une mère est-elle coupable ou tout au moins responsable de ses actes ? N’est-ce pas là finalement que se situe le sujet du récit ? Car, si ce roman est noir, violent, il est aussi illuminé par l’amour, le grand, peut-être le seul véritable : l’amour maternel. N’est-ce pas finalement dans les remerciements de l’auteur que l’on découvre la clé ? Chacun, je le pense, peut trouver sa réponse.
Jérémy Fel est à mes yeux un écrivain sans doute dérangeant mais bourré de talent. « Les loups à leur porte » m’avait intéressée. « Helena » m’a enthousiasmée, même si l’épilogue m’a semblé manquer de force par rapport au reste de la narration. Je suis désormais impatiente de lire le troisième.
Un bon point pour la magnifique couverture.
Editeur : Rivages
Date de Parution : 22 août 2018
Nombre de pages : 800