Lu dans le cadre d’une Masse Critique Privilégiée Babelio

J’ai toujours beaucoup aimé la plume de l’auteur, découvert avec son « Entre les murs », magnifique et touchant à mes yeux de « collègue ». « Molécules », de la même façon m’avait beaucoup plu par le côté loufoque se combinant au poignant, l’absurde au raisonnable, l’humour à la gravité, le rire aux pleurs.

Las, je n’ai rien trouvé de tout ça dans ce roman tout juste sorti et je me demande pourquoi.

Sur fond d’histoire d’amour improbable – mais est-ce de l’amour en vérité ? – entre Louisa et Romain, qui n’auraient jamais dû se rencontrer, l’auteur nous dresse un portrait noir de notre société en prise avec fermetures d’usine, plans de licenciement, harcèlement au travail. Il critique violemment à la fois Amazon, les médecins, les patrons. Bref, tout le monde en prend pour son grade. Ce mélange entre drame personnel et problèmes économiques était pourtant un bon point de départ, ses sarcasmes et sa causticité envers un monde en capilotade certainement d’un grand intérêt, mais je n’ai pas adhéré et j’avoue en être contrite.

Evidemment, j’ai parfois retrouvé l’auteur que j’aime, son écriture magique, son art de jouer avec le langage, l’humour qui me ravit :

« Cristiano est pauvre en gueule et fort en mots. » « Elle le voit préparer son sac pour une séance de musculation. Il s’est assez dégradé comme ça… Reprendre des forces est le préalable. L’étape numéro 1 de la reconquête, comme le fut l’Open de Turquie pour Vladimir Krivine vers les cimes de tuning. » Ou encore « Dans la proximité d’une mal pourvue, il se découvre bien loti. »

J’ai aussi apprécié l’érudition, les allusions à des auteurs, à des vers d’un poème particulièrement aimé en guise de début de phrase « Je fais souvent ce rêve étrange et familier… », l’emprunt de noms issus de la mythologie grecque ou scandinave, Kronos, Odin, Thor…

Mais trop souvent des phrases alambiquées m’ont empêchée de goûter l’histoire au point d’être tentée d’abandonner : L’intolérance de Louisa au mensonge, comme d’autres à l’aspirine, pourrait être rapportée à l’universelle coercition des jeunes filles, si, à éducation égale, sa sœur aînée ne s’était pas maintes fois montrée experte en dissimulation. »

Bien sûr, je ne peux imaginer l’auteur seul responsable de cette déception. Je me suis interrogée sur ma condition au moment de la découverte de ce récit. La chaleur excessive, la fatigue ont-elles été la cause de mes difficultés à assimiler certaines parties, de ma propension à m’agacer de nombres de digressions, de mes interrogations sur le besoin de s’étendre autant sur certains sujets, de sauter parfois du coq à l’âne ? Mais, François Bégaudeau n’a-t-il pas trop forcé sur les phrases à rallonge difficiles à décrypter ? Je ne suis pas certaine de mes réponses.

Mais j’ai souvent eu l’impression de le voir se regarder écrire.

 

Editeur : Gallimard/Verticales
Date de Parution : 16 Août 2018
Nombre de pages : 304