Il y a d’abord cette jolie couverture, cette silhouette de petite fille sage qui tient un ballon rouge en forme de cœur. On dirait une œuvre de Sunra, le street artist qui enchante les rues de Montpellier de ses cœurs rouges. Et puis, bien sûr il y a les mots, ceux d’Amélie Noël qui résonnent – raisonnent – encore longtemps une fois le livre refermé. Car « Dissonance« , ce roman,  qui à mes yeux n’est pas que cela, continue de me hanter.

Il raconte l’histoire de Noémie, dernière d’une fratrie de trois enfants, une mère « particullière », un frère tellement aimé, un tuteur, un refuge. Elle est atteinte de dissonance, douance émotionnelle et cognitive en termes psychiatriques. Cette particularité difficile à gérer, synonyme de souffrance et de solitude, est démultipliée lorsqu’un jour s’ajoute une tragédie familiale. L’auteure nous plonge au cœur de cette petite fille parfaite… à l’extérieur…

« Noémie est une petite fille exemplaire.
En apparence….
Et tellement sage. Pas de vague. Aucune vague.
Un effort de tous les instants pour qu’aucun mouvement n’apparaisse à la surface de l’eau…
C’est tout à fait ce qu’elle a fait. Une apnée qui a duré de nombreuses années. »

A l’aide d’une écriture au scalpel, toute en précision chirurgicale, où les phrases courtes succèdent aux mots seulement juxtaposés, répétés, serinés à l’envi, l’auteure réussit à décrire, à nous faire ressentir le désarroi de son héroïne, son isolement, ses tourments. Ce n’est pas Noémie qui cesse de s’alimenter. Ce n’est pas elle qui se met à courir toujours plus loin, toujours plus longtemps pour cesser de souffrir dans son âme. Transférer la douleur de l’âme au corps. Non, ce n’est pas elle, c’est la lectrice que j’étais à ce moment précis. La force inouïe du récit traduit à merveille les ressentis et nous les transmet. La soignante est derrière la romancière qui dessine la rencontre salvatrice, qui explique sans pathos, les gestes, la voix, l’attention de tous les instants nécessaires à la prise de conscience du patient, en l’occurrence de la patiente. Cette conscience de différence, cette nécessité de se connaître, de s’accepter, d’être soi et non de vouloir être autre.

Récit éclairant sur une pathologie mentale et les manières de l’appréhender.

Editeur : La trace
Date de Parution : 26 Mars 2020
Nombre de pages : 135

Je remercie chaleureusement les Editions La Trace pour cette lecture en avant-première d’un ouvrage lumineux et émouvant.