Minou Drouet avait huit ans…

Minou Drouet avait huit ans, j’en avais un de moins. Elle habitait cette petite ville, non loin de Rennes, mon oncle paternel et sa famille aussi. Nous passions souvent devant sa maison, elle est toutefois restée un mythe, je ne l’ai jamais rencontrée. Et, sans l’avoir oubliée, son souvenir s’est estompé. Stéphan Sanchez l’a ravivé. Lui, beaucoup plus jeune, ne la connaissait pas, qui pourtant parle d’elle comme d’une amie. Son ouvrage est touchant, composé de missives qui lui sont adressées. Pourquoi cette femme ? Poétesse dès l’âge de huit ans et source de toutes les polémiques. L’éditeur Julliard qui publia son premier recueil de poèmes en 1956 – elle avait neuf ans – ira même jusqu’à parler de « petite affaire Dreyfus ». Sauf que si le Capitaine Dreyfus fut officiellement réhabilité, il est toujours resté un doute au sujet de Minou. Il faut dire que si certains l’ont défendue, d’autres voix se sont élevées pour accuser sa mère adoptive d’être la véritable auteure de ces écrits.

« Parce qu’écrire sur vous revient à écrire sur moi… »

Mais revenons à Stéphan Sanchez et ses lettres à Marie-Noëlle, son véritable prénom,

« Parce qu’écrire sur vous revient à écrire sur moi… Et puis j’aime le mystère, le secret. Comment êtes-vous devenue poétesse à seulement huit ans ? Comment avez-vous vécu la controverse sur l’authenticité de vos textes ? »

Voilà tout es dit. Tout en cherchant à lever le voile sur le mystère de cette affaire ancienne, tout en fouillant le passé de Minou, c’est aussi de lui que l’auteur nous parle. Ses propos sont poignants, tout en délicatesse, d’une grande élégance. Et, s’il se dévoile, comparant son enfance à celle de la poétesse par la solitude qui leur fut commune, il reste toujours d’une grande pudeur. Tout est de l’ordre de l’intime et pourtant dicible. On sent derrière l’auteur un être passionné, Minou Drouet devait l’être aussi qui écrivait et était pianiste de talent. Elle a choisi l’ombre et le silence, sans doute trop secouée par ce que fut son enfance bousculée. Stéphan Sanchez, lui, a besoin de parler et il le fait superbement. De ses mots doux, il raconte sa vie mêlée à celle qui finit par lui écrire :

« Nos enfances appartiennent désormais au passé, mais il nous en reste toujours quelque chose. »

A moi il restera aussi beaucoup de cet écrit qui se lit autant avec le cœur qu’avec les yeux.

Editeur : Favre
Date de Parution :  Novembre 
Nombre de pages : 150

Je remercie très chaleureusement Babelio et les Editions Fabre pour cette lecture d’une délicatesse indicible.