Avis : ★★★★
Patrick Pécherot, je ne le connaissais pas, je n’avais rien lu de lui.
Je l’ai rencontré le mois dernier aux Escales de Binic, conseillée par l’un de ses fans, lui-même auteur de romans policiers. C’est la couverture d’un recueil de nouvelles intitulé « Dernier été et autres nouvelles » qui a attiré mon attention.
Elle représente des détails du célèbre tableau de Frédéric Bazille « Tableau de famille ». Ce peintre, je l’ai découvert ainsi que ses œuvres pour avoir vécu quelques années au collège portant son nom à Castelnau-le-Lez dans l’Hérault. La famille Bazille possédait une résidence d’été à Montpellier, le Château de Méric, niché dans un grand parc. De la terrasse, décor de la réunion de famille, la vue est belle sur le village de Castelnau. Patrick Pécherot, intrigué par les regards sérieux des personnages, y compris le peintre à l’extrême gauche, tous tournés vers le spectateur comme s’ils allaient être pris en photo, en a imaginé une petite histoire qu’il a intitulé, donc, « Dernier été ».
Vous ne saurez pas qui est le héros de l’histoire, ni à qui il s’adresse en racontant son histoire. Cet ex-fantassin a eu simplement plus de chance que le peintre, mort à Montargis en prononçant deux mots « Famille…Connerie… ». L’auteur va ainsi raconter le cheminement de ce soldat venu rapporter les derniers mots du défunt ainsi que la chevalière qu’il lui a dérobée. La lecture de ce récit est un véritable régal. L’écriture est d’une richesse considérable qui mêle l’humour à la crainte liée à la personnalité pour le moins ambigüe du militaire. Elle est particulièrement travaillée, parfaitement assortie à l’époque à laquelle se situe l’action. La langue est riche, le texte documenté. « Les mêmes qui torchonnaient dans les journaux jugeront admirable l’incendie de Carthage ou de Sparte dans leur manuel de grec ou de latin…. Bref, mon devoir et moi on a laissé Paris à la poudre. Pour l’avoir reniflée tout mon soûl, je ne la prise plus que d’escampette. »
Les autres nouvelles, inédites ou déjà publiées, sont totalement différentes, contemporaines, plus policières, plus « prolétaires ». Mais, qu’elles se passent en France, à Lyon, dans le milieu ouvrier, en Ecosse où une détective privée recherche la mère d’un malade aux jours comptés ou ailleurs, qu’elles parlent d’un ancien acteur de cinéma américain souhaitant jouer son dernier rôle, ou d’un go fast qui tourne mal, c’est toujours une écriture différente, différente mais aussi belle, aussi précise, aussi adaptée au sujet. Car c’est cela que j’ai personnellement trouvé très fort : l’adaptation de l’écriture au thème abordé.
Et quand j’en arrive à la dernière, « Bookcrossing », ses premiers mots « Je ne me rappelle plus quand je suis arrivé ici. Ni ce qui m’y a conduit. Ce dont je me souviens, c’est que j’y suis resté à cause d’un livre. Il en est qui vous cueillent à l’improviste. Au coin d’une rue, dans le tumulte des gares, la solitude d’un square. Celui-ci vous guette comme un assassin dans une impasse… », me font comprendre que la boucle est bouclée et j’ai eu envie d’ajouter « sur l’étal d’un salon du livre », car, oui, c’est bien là qu’un « dernier été » m’a cueillie.
Patrick Pécherot, une rencontre, une belle découverte.
Editeur : SCUP
Date de Parution : 10 Janvier 2018
Nombre de pages : 161