Il est des livres qui vous étonnent, vous fascinent, vous emportent.

Il est des livres singuliers, entre rêve et réalité, entre musique et poésie, entre passé et présent, nature et urbanité. Il est des livres pour lesquels une chronique me semble superflue, des livres qui me feraient seulement crier « waouh ! », sans arguments, sans explications, seulement dire : j’ai aimé. « Le courage qu’il faut aux rivières », premier roman d’Emmanuelle Favier est, pour ce qui me concerne, de ceux-là.

Et un 5 étoiles de plus !

Je me suis totalement laissée glisser dans l’histoire de Manushe. Elle vit dans un petit village des Balkans et fait partie de ces albanaises qui, pour différentes raisons, ont fait une croix sur leur vie de femmes et acquis les droits des hommes. On les appelle les « vierges jurées ». Mais l’arrivée d’Adrian, étranger mystérieux, va changer les choses.

Ce roman avait tout pour me plaire : des personnages envoutants, une écriture flamboyante au rythme ondoyant tel le ressac d’une mer tranquille, une narration proche de celle d’un conte qui mêle les lieux, les genres, les gens, les choses. Le déroulement en est nerveux, sinueux qui raconte avec fièvre le destin de femmes et d’hommes avec originalité. Les mots se mélangent qui passent d’une simplicité rare à une excentricité peu commune. L’auteur donne à son texte une force incroyable, aux forêts et rivières une beauté ésotérique, aux protagonistes une grandeur d’âme insolite.

Je n’ai pas lâché cet ouvrage dont la trame s’accélère petit à petit. J’ai été peu à peu entraînée vers le fond, le fond de la rivière, le fond des forêts, le fond de l’histoire de ces femmes qui cherchent leur identité, le fond de leur vie, de leurs amours « Les gestes de l’homme étaient sans impatience. Ils étaient ceux d’un artisan, à la fois doux et maîtrisés. Sous lui, elle ne sentit d’abord que le froid, et l’obscurité, et l’absence de paroles. Puis autre chose vint qui l’ouvrit totalement. Toute la forêt s’était retranchée dans sa chair, condensé de terre brute où se répandaient le monde et ses fureurs. Jetant un cri dans l’humus, elle éteignit le monde et ses dernières clartés. » Le fond des temps.

J’ai tant aimé les ombres, les couleurs sombres parfois effleurées de lumière, tant aimé le côté baroque, la fantasmagorie parfois présente, que s’il faut du courage aux rivières pour rejoindre la mer, il ne m’en fallut aucun pour terminer le livre.

Ce ne fut que plaisir.

Editeur : Albin Michel
Date de parution : 23 Août 2017
Nombre de pages : 218