Avis :  ★★★★★

 

En 2016, j’avais lu – et beaucoup aimé – son premier roman « Brillante ».

Je viens de terminer le deuxième « Comme elle l’imagine » et j’ai adoré. Décidément Stéphanie Dupays a un talent fou pour analyser la vie quotidienne, qu’il s’agisse du monde du travail et de ses travers, ou du sentiment amoureux à l’heure d’Internet.

Laure rencontre Vincent sur Facebook et, à coup de messages publics, puis privés et de SMS, en tombe amoureuse. Elle a l’impression de tout connaître de ses goûts, ses manies, ses penchants mais… cela reste virtuel. Qu’en sera-t-il s’ils se rencontrent réellement ?

Dans une langue simple et fluide, un vocabulaire adéquat, minutieusement choisi, l’auteure décortique une histoire d’amour à l’heure des réseaux sociaux. Elle dissèque chaque émoi de Laure dans l’attente d’un message de Vincent, d’un like, de la petite lumière verte synonyme de connexion, mais aussi de ses déceptions, il est connecté mais ne répond pas, il s’est déconnecté… Toute une vie attachée à un clic.  Mais tout autant que l’observation du sentiment et de ses évolutions, j’y ai trouvé une étude décapante de ces fameux réseaux. Elle nous met – et, si c’est déroutant c’est également très pédagogique – face à nos propres dérives en la matière.

« Au printemps précédent, Laure s’était inscrite sur Facebook… L’alibi culturel, c’était le prétexte qu’elle avançait pour justifier les heures qu’elle passait désormais à naviguer de page en page.

«  Après tout, n’est-ce pas ma propre excuse ? Laure se crée un portrait de Vincent au gré de ses posts :

« Il ne montrait aucune photo de vacances, aucune photo de repas ou de sortie entre amis. Contrairement à beaucoup d’utilisateurs Facebook, il ne photographiait pas tout ce qu’il mangeait, ce que Laure apprécia. »

Virtualité, quand tu nous tiens !

Et comme mon plaisir de lire se niche aussi parfois dans les détails, la surprise fut belle d’y retrouver quelques vers  de mon poète contemporain préféré, René-Guy Cadou,  dédiés à son aimée Hélène. J’ai aussi souri de la description parfaite de Palavas-les-Flots, plus communément appelée Palavas par les locaux, il n’y manque rien :

« … la ville ne ressemblait en rien à ce qu’elle avait imaginé. Pour elle, Palavas, c’était la mer bleu franc d’où se détachaient des voiliers blancs, les vagues mourantes se perdant sur le sable dans un tourbillon d’écume, comme dans le tableau de Gustave Courbet… Ce fut un bord de mer bétonné, des boutiques saturées de souvenirs made in China, des restaurants aux devantures criardes que découvrit Laure. »

Un roman captivant par sa simplicité d’écriture, sa facilité de lecture, l’intelligence et la pertinence de ses analyses, la richesse des références littéraires et musicales et à titre plus personnel la prise de conscience des leurres que représentent certains aspects de la toile.

Editeur : Mercure de France
Date de Parution : 7 Mars 2019
Nombre de pages : 160

Roman lu dans le cadre de l’association « 68 Premières Fois » session janvier 2019.