Je ne connaissais pas le Xavier De Moulins romancier et n’avais lu aucun de ses précédents ouvrages. Mais j’avoue avoir été captivée d’emblée par l’histoire de Charles et Mathilde, couple heureux et presque parfait, et de leurs deux petites filles adorables. Ils viennent d’acheter, pour le plaisir de Mathilde, une maison à la campagne, Charles se contentant d’un petit coin à Paris quatre jours par semaine. Le train le ramène chaque jeudi soir, mais Mathilde ne vient plus, comme au début, l’accueillir à la gare. Il sent bien qu’il se passe quelque chose, elle n’est plus la même et semble s’éloigner chaque jour davantage. Alors, il pense que son physique en est la cause, son ventre n’a plus la fermeté de la jeunesse. Il décide de se mettre au sport et au régime pour reconquérir sa femme.

A coups de cliffhangers et d’allusions fines, discrètes, perfides, semées ici et là, l’auteur transforme un récit de prime abord sympathique en un véritable thriller, jusqu’à la fin pour le moins étonnante.

Avec beaucoup de doigté, il traite de l’amour mais aussi et surtout de la jalousie et de ses dérives.

Il s’attache à décrire les effets néfastes du seul intérêt porté à l’apparence. J’ai beaucoup aimé cet équilibre entre le fond et la forme : une histoire menée de main de maître, parfaitement agencée, servie par une écriture vive, presque sèche parfois, originale toujours, affublant souvent les mots d’un sens détourné : « Charles Draper prépare le petit-déjeuner de sa fille. Margaux, l’aînée, a déjà filé. Fleur arrive pieds nus. Index sur la bouche, il lui sonne un coup d’œil complice. » Mais elle sait aussi se faire poétique, imagée et chantante : « Dehors le vent surgit. Charles Draper entend venir l’orage. Il gronde vers 3 heures du matin. Une demi-heure d’éclairs déchire la pièce dans l’obscurité. La lune a tourné le dos aux détonations. Elle s’est rentrée dans les nuages en attendant l’accalmie … Amputés par le vent, les arbres hurlent qu’ils ont mal… » Dans tous les cas, elle apporte de la couleur à l’histoire, elle la maquille élégamment sans en cacher la réalité.

S’agissant des personnages, Clément et Charlotte, malgré leurs rôles secondaires, restent pour moi très attachants, Clément par sa gentillesse et l’expression de sa tristesse et Charlotte par son côté quelque peu déjanté mais toujours prête à entourer son frère Charles.

En un mot, je trouve « Charles Draper », vraiment réussi jusqu’au dernier chapitre, reprenant les propos du premier comme une boucle sans fin dans laquelle la folie d’un homme nous entraîne.

Editeur : JC Lattès
Date de parution : 10 Février 2016
Nombre de pages : 230