Lolvé Tillmanns fait partie de ces auteurs suisses romands que j’affectionne particulièrement.
Je l’avais découverte à travers « Les Fils », un roman particulièrement attachant qui m’avait bousculée. Je viens de refermer « Rosa », écrit auparavant, et l’impression est la même qui oblige à faire une pause, à se remettre, à respirer ou encoreà se perdre dans la contemplation de la superbe couverture.
Cet ouvrage est d’une densité peu commune qui raconte l’histoire d’une famille grâce aux mots enregistrés sur un Nagra, marque d’enregistreurs sonores portables professionnels conçus en 1950 par un ingénieur suisse d’origine polonaise (définition Wikipédia). C’est la grand-mère, Rosa, « victime d’une attaque », qui, sur son lit d’hôpital demande à ses petits-enfants d’écrire leur vie.
Véritable saga, ce roman nous fait entrer au sein d’une famille, côtoyer chacun de ses membres, écouter leur histoire, leurs difficultés, leurs chagrins, leurs douleurs, leurs questions. Il nous fait voyager des bords du lac Léman à Manatthan au sein de la « Little Italy » en passant par New-York ou l’Italie. Chaque personnage porte en lui la somme des autres et tous ou presque souffrent d’un mal inconnu, qui s’explique au fur et à mesure des pages tournées.
J’ai aimé l’écriture d’une impressionnante simplicité. Elle va à l’essentiel, percute, souligne :
« Et lorsque David vint au monde, minuscule, malade, fourbu de douleurs et de tremblements, Isaac cristallisa sa haine en une petite boule noire et brillante qui se ficha au centre de son cœur. »
J’ai aimé la construction extrêmement précise où, chapitre après chapitre, chacun raconte son ressenti, son vécu. J’ai aimé la manière dont l’auteure traite du secret, ce terrible secret de famille porteur de tous les troubles. J’ai aimé chacun des personnages avec ses faiblesses, ses atouts, ses noirceurs ou ses lumières. Aucun n’est banal, aucun n’est insignifiant. Nous ne suivons pas un long fleuve tranquille, mais au bout l’espoir renaît et je me suis plu à imaginer la suite de cette saga débarrassée des non-dits.
Il s’agit là d’un roman ambitieux qui traite de sujets nombreux : la transmission, l’histoire mêlée à l’Histoire, la religion, la folie magnifiquement abordée dans son horreur et l’incompréhension qu’elle entraîne, la démission d’une mère, la chaleur d’un père, la puissance de l’art, la jalousie au sein de la fratrie. Lolvé Tillmanns a su enchevêtrer tous ces éléments pour tresser un récit universel. Chacun y trouvera une part de sa propre vie, découvrira un souvenir, imaginera son avenir.
Un très beau texte à lire sur fond de « Georgia on my mind ».
Editeur : Cousu Mouche
Date de Parution : 1er septembre 2015
Nombre de pages : 320
Merci Geneviève pour cette belle chronique, je ne connaissais pas ce roman et tu m’as donné envie de le lire. C’est bizarre qu’il ne soit pas en poche !
Encore bravo pour ce blog passionnant et à très bientôt.
Florence
Merci pour tous ces compliments. Si tu veux, je peux t’envoyer le livre, tu pourras le lire et me le renvoyer après… il est dédicacé. J’aime beaucoup l’écriture de Lolvé Tillmanns.