Brodeuses de mère en fille, mais aussi et peut-être surtout bâtardes de mère en fille, bâtardes mais fières, dignes, libres et, plutôt que d’en rougir, elles portent cette particularité en bandoulière. Lenka Hornakova-Civade nous narre ainsi l’histoire de trois femmes, la mère Magdalena, la fille Libuse et la petite fille Eva, toutes nées de père inconnu et à travers elles, en filigrane, celle de son pays natal, la Moravie (actuelle République Tchèque).
Il est vrai que, sous la houlette de Marie, la mère de Magdalena, la première à avoir « fauté », elles transforment leur malchance en une sorte de dignité, une forme de majesté, une distinction qu’elles revendiquent chacune à leur manière haut et fort.
Chacun des trois chapitres du livre raconte l’histoire d’une femme, sa vie et celle de son pays passant de l’annexion nazie à la période de montée du communisme puis à la fin de l’hégémonie russe. Les hommes, eux, n’y ont pas la part belle, lâches qu’ils sont, veules, abjects, malveillants pour la plupart.
C’est un très beau roman où le pire, les giboulées, (ce n’est pas facile dans une société traditionnelle de ne pas avoir de père connu) côtoie le meilleur, le soleil, (la liberté, la fierté et aussi l’amour). Les réflexions sont d’une grande simplicité, voire d’une naïveté peu commune. La langue est belle, la tendresse affleure, et la vie demeure. La tête haute, ces femmes avancent. Et nous les suivons, les admirons, les aimons.
J’ai eu l’impression de dérouler un de leurs fils à broder et de le suivre sans reprendre mon souffle, en empathie totale avec leurs âmes nobles, indépendantes, courageuses. Comme disent les québécois, je suis tombée en amour de ce beau roman.
Editeur : Alma
Date de parution : 7 Avril 2016
Nombre de pages : 296