Difficile d’exprimer le trop d’émotion éprouvé à la découverte de ce tout petit livre – quatre-vingt-quinze pages de texte – qui raconte la séparation des parents de l’auteur. C’est vingt-huit ans après que Sophie Lemp trempe sa plume dans ce chagrin qu’a représenté le départ de son père, « Ce samedi matin de Janvier… ». Alors que sa mère, seule, est venue la chercher à l’école, elle découvre le camion de déménagement en bas de leur immeuble. Comme cette phrase qui de manière réservée exprime son changement de vie, tout dans le récit de la romancière sera traité avec une pudeur indicible.
A aucun moment elle ne porte de jugement sur l’un de ses parents, à aucun moment elle n’explique les raisons qui ont abouti à cette désunion, à aucun moment elle ne tape du pied ou s’emporte. Elle use de mots à la fois forts et feutrés. Elle nous fait partager sa blessure, ses douleurs enfouies, son manque de l’un et de l’autre et cette impression que « [son] enfance [lui] apparaît comme scindée en deux. »
les mots simples qui laissent toute la place à son désarroi de petite fille dont les souvenirs à trois se brisent, la manière de remonter le temps à travers les photos, symboles de bonheur passé, cette absence totale de pathos, son ressenti de femme pour laquelle le manque perdure. La séparation, une cassure magnifiquement décrite, tristement vécue, où la douleur sera toujours présente et la sérénité à jamais disparue « Je ne me sens plus jamais tranquille. »
et je sais que dans quelques jours ils remonteront à la surface… et c’est à ce moment-là que je prendrai toute la mesure de ce très fort roman dont une phrase m’a particulièrement marquée :
« Mais, comme un jour j’ai cessé de dire mes parents, je ne dirai jamais à mes filles vos grands-parents. »
Je voudrais ajouter une mention spéciale pour la très belle couverture. Cette huile d’Edward Hopper traduit à merveille – je trouve – à la fois le titre du roman et l’atmosphère qui s’en dégage.
Editeur : Allary Editions
Date de parution : 7 Septembre 2017
Nombre de pages : 96