Un appel téléphonique.

« J’ai reçu un appel vers 14 heures…un homme s’est présenté comme « officier de police judiciaire »…m’intimait de me présenter au commissariat du Havre : nous aimerions vous entendre dans le cadre d’une affaire vous concernant. » La narratrice, « doubleuse voix » au cinéma, laisse fille et compagnon pour prendre le train en direction de la cité portuaire. Elle ne parvient pas à identifier le corps retrouvé sur la plage d’après les photos. Et pourtant, son numéro de téléphone se trouvait dans une poche du mort.

Thriller, mais pas que, loin de là.

Ça ressemble à un thriller, mais ce n’est pas uniquement ça. Certes le corps inconnu de la plage est le fil d’Ariane du roman, mais Maylis de Kerangal nous emporte bien plus loin. Nous rencontrons deux jeunes filles qui ont fui la guerre en Ukraine pour rejoindre l’Angleterre. Nous nous retrouvons au moment de la seconde guerre mondiale et revivons la destruction totale du Havre. Et puis nous remontons l’histoire de la narratrice, jeune adolescente, amoureuse, dans cette ville précisément, personnage important de l’ histoire.. 

Une écriture aux antipodes de ce que j’aime et pourtant.

Dès le départ, j’ai été passionnée par ce roman. Et je me demande encore pourquoi tant il est aux antipodes de ce que j’aime en littérature. Je suis attirée par les petits textes, les phrases courtes, l’écriture simple et limpide. Là, les phrases sont infinies, j’ai compté trente-cinq lignes pour l’une d’entre elles. Mais justement c’est l’exception qui confirme la règle car l’écriture de l’auteure est exceptionnelle. Elle est complexe, d’une richesse inouïe, recherchée, travaillée à l’extrême « …voir la mer, l’initiation alpha pour ceux qui ne l’avaient encore jamais vue, se l’imaginaient bleue quand la nôtre était autre chose, rude, complexe, à la fois pétrolière et impressionniste, prosaïque et rêveuse… ». Elle va et vient tel le ressac, elle monte et descend et la musique des vagues l’emporte sur tout le reste.

Un roman d’une beauté rare.