D’emblée, j’ai été happée…

D’emblée, j’ai été happée par le regard de la petite fille sur la couverture. Sa robe de satin rose et son diadème emperlé ne peuvent cacher la tristesse, mais aussi la détermination de son regard. Elisabeth Vernn avait certainement ces même yeux graves le jour de ses sept ans. En guise de cadeau, elle reçoit une robe. Mais la vraie surprise est ailleurs

« Une salle polyvalente, une lumière jaune, du carrelage blanc, des fanions multicolores scintillants… »

et

« Tu dois seulement marcher délicatement…Tu dois sourire mais pas trop… »

Sa mère l’a inscrite à un concours de mini-miss… ce qui fait dire à Elisabeth

« Ne trouvez-vous pas cocasse que dans un pays de gagnants, ma malédiction soit d’avoir un jour gagné ? »

Nous sommes aux Etats-Unis, à Miami plus précisément. On peut dire que ce jour fut le premier d’une longue descente aux enfers.

J’ai beaucoup aimé ce roman…

Autant le dire tout de suite, j’ai beaucoup aimé ce roman et l’ai lu d’une traite. L’auteur a ce talent de se renouveler à chaque ouvrage et d’adapter son écriture, toujours différente. Celle-ci est sèche, taillée à la serpe et sans apprêt, sans circonvolutions, sans emphase. Les phrases sont courtes, ponctuées même de mots isolés, sans verbe. Il entre avec brio dans la tête de son héroïne et lui donne la parole, une parole vive et incisive allant parfois même jusqu’à la logorrhée. La liberté de ton, le vocabulaire cru imprime au récit un rythme particulièrement acide. Tout cela traduit à merveille la dérive de cette petite fille devenue grande mais toujours blessée. Cette histoire d’une vengeance annoncée est brillamment rendue. L’auteur en fait une véritable tragédie, réquisitoire à l’encontre des parents : un père faible qui se contente de regarder, une mère dominatrice. Réquisitoire aussi contre le paraître au détriment de l’être.

Dans le domaine de la documentation, pas un faux pas en ce qui concerne le monde du body-building qu’il décrit parfaitement. Il a visiblement « infiltré » le milieu pour en connaître jusqu’aux menus dévorés par les compétiteurs en période de concours : blancs d’œuf et de poulet accompagnés de salade verte souvent mangée – je l’ai vu – au sortir du sachet. Rien ne manque des produits absorbés, histoire de faire gonfler les muscles et dessécher la peau. Ce sont sans doute des détails mais qui parviennent à installer l’ambiance et préparer une fin, véritable retour en arrière.

Avec « Florida », Olivier Bourdeaut signe un roman captivant et, je trouve, d’un grand intérêt.

Editeur : Finitude
Date de Parution : 4 Mars 2021
Nombre de pages : 256