Grand-Duché d’Eponne…

Nous sommes dans le grand-duché d’Eponne, et le premier chapitre en dresse un descriptif digne du National Geographic. Puis nous faisons connaissance avec les personnages : Jean-Marc Féron, journaliste, qui souhaite accueillir un migrant à son domicile et en faire le sujet d’un livre, Sylvie, jeune femme développeuse de projets dans le secteur de la mode, un groupe d’anticapitalistes en pleine écriture d’un pamphlet. Il y a aussi Ghoûn, Hossein et Semira, en quête de papiers. Au fil des pages, l’auteure déroule ainsi la vie de ces protagonistes sans rapport apparent, et pourtant, au fil des pages, les liens se nouent.

Roman d’une grande richesse…

Il ne me fut pas facile d’entrer dans ce récit. J’ai besoin, lorsque je lis, de comprendre où je vais, de suivre un fil d’Ariane. Là, j’avançais à tâtons, cherchant désespérément la direction vers laquelle la romancière me guidait. Et, sans m’en rendre compte, je me suis laissée prendre dans les filets de ses propos. J’ai trouvé ce roman d’une grande richesse, franchement brillant, érudit, superbement écrit, parfaitement construit. Tout autant qu’un roman, j’ai eu l’impression de découvrir, un essai, un précis philosophique, une étude sociologique mais aussi une réflexion approfondie sur l’amour, de soi et des autres. Les sujets d’aujourd’hui sont abordés intelligemment, les migrants, leur accueil, leur vie, la surconsommation et ses dérives, les excès du système capitaliste :

« On est vraiment là pour les faire disparaître, les marchandises, les foutre en l’air, au plus vite, et de nouveau acheter. »,

Puis, au détour d’une page, un moment de poésie surgit :

« Autour d’eux, l’air fraîchissait, le crépuscule tombait…Ces restes de clarté qui s’imbibaient de ténèbres comme d’un sirop épais… »

J’ai beaucoup aimé ce grand-duché d’Eponne, véritable décor de carton-pâte posé au bord d’un lac et berceau de la finance, lieu imaginaire certes, mais tellement comparable à nombre d’Etats soumis aux mêmes problèmes. J’ai plus encore aimé la finesse et l’ironie dont fait preuve l’auteure quand elle pose les questions – toujours pertinentes – sur la marche de notre monde actuel. J’ai apprécié le mélange de sérieux et de poésie qui alternent dans le récit et enfin, j’ai apprécié chacun des personnages méticuleusement présentés dans leurs côtés brillants comme plus sombres.

« Sous le ciel des hommes » m’a séduite tout en douceur, subrepticement, délicatement. N’est-ce pas le signe d’un amour au long cours ?

Editeur : Sabine Wespieser
Date de Parution : 27 Août 2020
Nombre de pages : 340

Ce roman a été lu dans le cadre des « Explorateurs de la rentrée 2020 ». A cet effet, je remercie chaleureusement le site Lecteurs.com à l’origine de cette manifestation littéraire ainsi que les Editions Sabine Wespieser.