Ulysse a dit…
« Ulysse a dit… » Il a quitté son poste au sein d’une start-up spécialisée dans les placements financiers pour devenir gardien de phare dans le détroit de Gibraltar. Un jour,
« un bruit fracassant [le] força à ouvrir les yeux… ». Et il le vit, « …semblable à une plume blanche…les flancs éventrés contre les récifs. Un voilier gisait là, prisonnier marin… ».
« C’est alors qu’il l’aperçut, au travers d’un rideau d’écume…Là-haut, au-dessus de sa tête, hissée à une corde, se balançait un corps frêle. »
Et le destin d’Ulysse bascule.
C’est un chant que Mona Azzam nous donne à écouter, un chant d’une rare beauté, le chant d’amour pour une petite fille et son peuple. Maïmouna, treize ans, a quitté son pays de misère et de terreur, laissé sa maman derrière elle – son père, ses frères et soeurs ont été tués – , pour rejoindre un paradis rêvé et pourtant inaccessible, un paradis qui sera bientôt un enfer. Les mots s’emmêlent, se tordent et sombrent au gré des vagues de cette mer, cet océan porteurs de mort. Ils se cognent contre les rochers que surveille le phare. Tel le ressac ils vont et viennent en une musique triste et pourtant mélodieuse. L’écriture est sublime, poétique et riche des divers degrés de langue utilisés selon le narrateur. C’est d’abord la voix de Maïmouna que nous entendons, fragile, hésitante, apeurée. Puis c’est Ulysse « Le Djinn aux cheveux longs, couleur de blé… » qui parle ou plus exactement écrit. Il écrit l’Odyssée, une odyssée contemporaine, la dit, la vit, la fredonne :
« Le bateau plongeait dans les abîmes./ Et je chantais./ Des bruits fracassants retentissaient sans cesse./ Et je chantais./Abdou ne me porta pas mon repas./Je chantais quand même./Le capitaine ne revint pas cogner à ma porte./Moi, je chantais./Ma nuit noire me plongea dans les ténèbres./Et moi, au cœur des ténèbres, je chantais. »
Et les mots se transforment, deviennent autres, le rythme s’accélère, et le cœur bat plus fort.
« Ulysse a dit… » est le chant d’un aède, qui berce et nous enveloppe de références littéraires nombreuses, flamboyantes. Homère et Du Bellay veillent. La lecture se fait mélodie et la bienveillance nous caresse. Maïmouna est là, près d’Ulysse pour toujours. Et dans son chant vivent tous les migrants.
Editeur : La Trace
Date de Parution : 27 Août 2020
Nombre de pages : 124
Je remercie chaleureusement les Editions La Trace pour cette découverte en avant-première.
Ton commentaire rend ce livre très tentant. Je me suis souvenue que j’avais un livre de cette maison d’éditions dans ma pile « Comme un enfant qui joue tout seul ». Ce devrait être une prochaine lecture
J’aime beaucoup cette maison d’édition dont on parle trop peu, de mon point de vue, au regard de la qualité de ses auteurs. Ce roman est très beau, poétique, émouvant et en même temps accessible. J’avais beaucoup aimé aussi « Comme un enfant qui joue tout seul ».
Oh voilà qui me plairait bien, en plus si il y a un phare !! 😉
Une magnifique écriture et une histoire d’actualité extrêmement touchante.
Effectivement, très belle couverture qui attire. Ce phrare…Mais le sujet est trop lourd pour moi.
Je peux le comprendre, il est poignant, ce roman. Mais il est écrit avec tant de délicatesse.