« Moro-sphinx », donc ! Un titre peu banal pour un livre tout aussi original. Mais Lola n’est-elle pas ce papillon colibri qui, à l’aide d’une grande trompe butine le nectar des fleurs inaccessibles aux autres insectes ?

Car Lola est une drôle de femme, blessée par la mort de sa mère quand elle avait 8 ans, par son père devenu alcoolique et par la trahison de son petit ami à 20 ans. Depuis elle choisit sa vie, séduit et jette. Le soir, armée de bas résille, de jupes courtes et serrées, de talons aiguille, maquillée comme un camion volé, elle déambule, claque les trottoirs et affole les passants de ses longues jambes. Rien ne la rebute et surtout pas la laideur. Elle passe d’un homme à l’autre. Un coup, juste un coup rapide, sauvage, à l’emporte-pièce, puis elle va voir autre chose, non sans avoir réalisé un certain rituel.

Et puis un jour la mécanique s’enraye…, non je ne vous dirai pas pourquoi.

J’ai trouvé ce livre déroutant. Entre les propos crus, les scènes de sexe à caractère pornographique et l’écriture si belle de l’auteur, le gouffre est immense et je m’y suis souvent perdue. Car oui, l’écriture de Julie Estève est magnifique, imagée, presque enluminée. Ses mots sont vivants, choisis, parfois déjantés mais toujours harmonieusement mis en lumière. Alors, j’ai oublié la pauvre fille traînant de bar en bar, souvent alcoolisée, je me suis laissée prendre dans les résilles de ses bas, dans ce que j’ai perçu de désespoir caché, de chagrin enfantin, de lassitude et de tristesse. J’ai embrassé son malheur, ses dérives, et surtout, surtout, la langue merveilleusement triturée de l’auteur.

 

Editeur : Stock
Date de parution : 20 Avril 2016
Nombre de pages : 184