« Tu vas grandir et tu vas oublier », c’est écrit en grosses lettres sur le bandeau qui enserre le premier roman de Mathieu Palain « Sale Gosse ».
Si j’ai du mal à penser que cette prédiction puisse s’avérer, il est une chose dont je suis certaine : moi, je n‘oublierai pas ce récit de sitôt tant il est bouleversant.
L’auteur nous raconte l’histoire de Wilfried – placé dans une famille d’accueil à l’âge de huit mois, sa mère toxicomane étant dans l’incapacité de s’en occuper – et de son éducatrice Nina. Il parle aussi de Marc devenu directeur du foyer dans lequel Wilfried échoue à dix-sept ans, pour avoir « abîmé » un jeune, joueur de foot comme lui. Il y a aussi tous les autres, ces enfants nés du mauvais côté de la vie et ceux qui les accompagne.
Aux confins du roman et du documentaire, de l’article de presse et d’une réflexion profonde sur une société qui souvent côtoie le caniveau, Mathieu Palain dresse un portrait plein d’empathie de ces oubliés.
Oubliés souvent sont ces jeunes dont il dépeint le quotidien chamboulé par le manque d’amour, la capacité à s’autodétruire, la propension à user de leurs poings, la rage qui les habite de ce qu’on ne leur a pas donné. Oubliés tout autant ces acteurs de la Protection Judiciaire de la Jeunesse (P.J.J) qui affrontent le pire, la détresse, servent de parents sans en être, de régulateurs de violence, et s’escriment à transformer en fleurs ces branches sèches, torturées par l’absence de repères.
Alors, bien sûr, je pourrais reprocher à Mathieu Palain d’utiliser une écriture tellement différente de celle que j’aime, travaillée, élégante, joliment ciselée. La sienne est abrupte, sèche, sans beaucoup de recherche. On sent derrière elle la patte du journaliste qu’il est. Elle est directe, parfois difficile à suivre pour la vieille que je suis, totalement imperméable au verlan. Pourtant, c’est elle qui rend le récit crédible, c’est elle qui m’a embarquée aux côtés de ces gamins peu éloignés parfois de certains élèves auxquels j’ai tenté d’inculquer des règles vite oubliées derrière la porte de la classe. C’est cette écriture qui donne toute la force au texte, son réalisme, et l’émotion qui s’en dégage.
Ce roman m’a émue, profondément touchée. L’auteur sait de quoi il parle et à sa manière en parle formidablement bien. Un premier roman impressionnant.
Editeur : L’Iconoclaste
Date de Parution : 21 Août 2019
Nombre de pages : 352