Avis : ★★★★★
C’est dans le cadre du « Cercle livresque », initié par le site Lecteurs.com et grâce aux Editions Belfond que j’ai eu le plaisir de lire le dernier roman d’Ariane Bois : « Lîle aux enfants ». Je les remercie chaleureusement.
Pauline et Clémence se font enlever – Par qui ? Pour aller où ? nous l’apprendrons très vite – dans une voiture rouge un matin, alors qu’elles ramènent leur seau rempli d’eau à la case. « Cette voiture, c’est la 2 CV camionnette rouge, dite loto rouz, celle dont tout le monde dans l’île sait qu’il ne faut pas s’approcher, comme si elle était hantée ». Ces deux soeurs vivent sur leur magnifique île de la Réunion avec leurs parents, même si leur maman est pour le moment hospitalisée, et leur grand-mère.
Il s’agit bien là d’un roman, même si le récit est tiré d’un fait réel, un véritable scandale d’Etat. Pour repeupler les campagnes de la métropole qui se vident, pendant près de vingt ans, des années soixante aux années quatre-vingt, plus de deux mille enfants réunionnais seront enlevés à leur famille avec leur consentement – souvent inconscient – et parfois même sans, et déportés, notamment dans la Creuse.
Ariane Bois a su trouver les mots pour nous dire la détresse de ces enfants arrachés à leurs racines et qui ne comprennent pas ce qui leur arrive. Elle raconte la souffrance des fratries séparées à leur arrivée en France, la violence faite à certains, main d’œuvre bon marché pour les paysans, l’oubli lié à l’adoption cachée « A Guéret, elle croise souvent d’autres enfants noirs comme elle, accompagnés par des familles de la campagne environnante… Une fois, une voisine a demandé à sa mère si la petite retournerait bientôt dans « son pays »…Troublée, Isabelle (le nouveau prénom attribué à Pauline par ses parents adoptifs) s’est demandé de quel pays il s’agissait. » Elle dit aussi la transmission de cette douleur aux descendants. C’est la fille de Pauline qui partira à la recherche de leurs racines et retrouvera sa tante Clémence.
Le roman, parfaitement documenté, superbement écrit, le vocabulaire bien choisi parsemé d’expressions créoles, le phrasé élégant permettent une lecture facile et d’un grand intérêt. Il est d’une puissance rare qui met en lumière un fait peu connu, qui donne la parole à ces personnes transplantées « pour leur bien », qui montre l’impact du mensonge, du secret, sur la construction de soi. Il explique que même si chacun réagit en fonction de sa propre personnalité, le besoin de connaître ses origines est impératif pour grandir sereinement.
Moi, qui n’aime guère cette expression, j’aurais pour une fois envie de vous dire : « L’île aux enfants » est à lire absolument, à lire pour l’importance de l’histoire racontée qui se confond avec l’Histoire, à lire pour savoir, comprendre ce qui nous a si longtemps été caché. A lire pour ne pas oublier.
Editeur : Belfond
Date de Parution : 14 Mars 2019
Nombre de pages : 240