Chaque lecteur y trouvera sans doute une explication. J’y ai pour ma part vu un mélange entre la nature, souvent rugueuse, les arbres si présents dans ce Cantal sauvage et les femmes et hommes de l’histoire qui y vivent et cachent chacun des blessures, des coins sombres, des douleurs. Des écorchés vifs, c’est bien ça. Car ce roman vagabonde dans une nature ombragée, difficile à dompter et les personnages qui y vivent ne sont pas davantage faciles à apprivoiser . Eli, Laurentin, Louise, Lison, Jean… par chapitre alterné l’auteur nous raconte une histoire chorale sur fond de grands espaces. Eli met le feu à un groupe de maisons et se fond dans la nature. Il aurait dû y vivre avec sa femme, mais… Laurentin, gendarme, divorcé, malheureux, boiteux, enquête… Louise soigne des chevaux, et ses bleus à l’âme ?… Lison essaie de survivre au décès de son mari… Jean tente de préserver son frère, différent, de la colère de leur père.
Alexandre Lénot s’y entend pour peindre la nature, dans une très belle langue, à la frontière de la poésie :
« Il y a dans l’air le souffle d’un géant endormi, et les odeurs brutes d’un hiver de bandits. »
et ces paumés de la vie réunis dans ce coin reculé :
« Il a une voix douce, la voix de quelqu’un qui n’aime ne sait ni ne peut parler fort. La voix de quelqu’un qui préfère renoncer. La voix de quelqu’un qui espère qu’on se penchera un jour sur lui ».
Comme les arbres, ils sont recouverts d’écorces, et cachent leurs failles. La construction me semble intéressante qui fait du texte un tableau aux lumières changeantes. Et l’histoire progresse au fil des marches des uns et des autres au milieu d’un monde difficile.
Un roman au parfum de terre et de mousse qui demeure prégnant longtemps après la dernière page tournée, puissant, obsédant.
Editeur : Actes Sud (collection Actes noirs)
Date de Parution : 3 Octobre 2018
Nombre de pages : 208
Roman lu dans le cadre de l’association « Les 68 premières fois »