Là, je viens de terminer son dernier roman « Comme un enfant qui joue tout seul » et s’il s’agit bien, en effet, d’un roman, la poésie est toujours là, présente au détour de chaque page. Alain Cadéo est un magicien des mots.
« Pourquoi es-tu si dur ? » Cette réflexion lancée, un soir, à Raphaël Barnabé par un clochard croisé régulièrement dans son quartier se révèle un déclic. « On fait tous sa vie. Moi j’ai défait la mienne…. J’ai 37 ans, j’ai tout quitté, boulot, amis, relations, réseaux…. Et je repars… vers mon passé… tête baissée dans la nuit mauve… diaporama de mes pensées. » Voilà, il aura suffi de quelques mots prononcés par un presqu’inconnu, un soir de pluie, pour que Raphaël envoie valser par-dessus les moulins les ors des ministères et tout ce qui va avec. Il décide de retourner vers son passé. Elena fait de même qui a choisi aussi de changer de vie… Deux vies, deux destins, un croisement, une histoire.
Histoire banale ? Certes non !
La rencontre de deux êtres, différents et pourtant identiques, unis sans le savoir… quoi de plus magnifique ? Et le talent de l’auteur l’enjolive encore. L’écriture est là qui transcende le tout, une prose aux parfums poétiques, des phrases dentelées, travaillées, parsemées de jolis mots légers, sans oublier le passage régulier du « il » au « je ». J’ai pris tout mon temps pour arriver au bout de ce récit. Il mérite d’être parcouru lentement, attentivement. Il se savoure, se lit parfois à haute voix, se décortique. Et subrepticement, au détour d’une phrase, un coup d’humour, un coup de je t’aime pour Giusa, une chienne, errante, et qu’il a embarquée « …. Je prends son museau dans ma main, lui retrousse les babines…. Elle se laisse faire… J’ai eu des chiens toute mon enfance… Avec eux, c’est à l’intuition, c’est télépathique, ou ça passe au feeling, ou ça mord ou ça part au galop. Mais là avec la Giusa, c’est du sérieux. » Sourire.
Le texte est d’une grande grâce. Les mots dansent, bougent, roulent comme l’océan, autre personnage important vers lequel tendent les deux héros. L’océan, toujours présent, la fin et le commencement. « Alors, la grande et fraîche déferlante d’une marée de pleine lune, toute gonflée d’elle-même, roulant sa joie, crépitante, comme électrique, cabrée, depuis le grand lointain, s’écroule devant eux comme un tourbillonnement blanc. »
Sublime ! A lire sous le soleil, mais aussi les embruns, à lire ici ou là… ou mieux encore, sûrement, au bord de l’océan.
Editeur : La Trace
Date de Parution : 15 Mars 2019
Nombre de pages : 192